L'affaire Klapahouk (retour au sommaire)























Véronique

“ Je rêve à ma famille, les problèmes que j’ai eu dans ma famille et des fois ça me revient, je pense à ma mère, à mon père, ce qu’ils disent, quand ils discutent, j’écoute et j’enregistre mais ma mère, elle est malade, elle a eu une baisse de tension et puis j’ai été la voir, elle a pleuré parce que j’étais contente de la revoir. Je suis en guerre quand mes frères buvaient, il y avait toujours des accidents, ma mère elle pleurait tout le temps, mes petits neveux se sauvaient, moi ça me faisait mal, et mon père il se battait. Maintenant je suis contente de faire une autre vie, parce que j’ai assez vécu, j’en ai assez entendu. ”



Le même François Jacquemont poursuit le 3-11-1973 :


Ce monde trop caché de la folie.

Dans Family Life, le médecin qui laissait ses malades délirer, au lieu de les abrutir avec des calmants, était finalement contraint de partir. C’est le même risque que court aujourd’hui le docteur Klapahouk, médecin-chef du service C à l’hôpital psychiatrique de Saint-Dizier. Et, cette fois, ce n’est pas du cinéma.

Quelle qu’en soit l’issue, la crise qui secoue le vieil hôpital départemental de la Haute-Marne aura eu, au moins, ceci de salutaire : elle a quand même brisé la conspiration du silence qui, aussi épaisse que les murs des asiles, fait de la folie un monde clos, caché.

Plus gardiens qu’infirmiers.

Sur cet univers-là, l’affaire de Laxou (Meurthe-et-Moselle) déjà, avait jeté des flammes bien vite étouffées. C’est qu’en vérité, chacun a peur de regarder dans le miroir que lui tend le malade mental. Quand parle-t-on des fous ? Lors d’un internement arbitraire, ou d’un massacre d’innocents. Bref, quand on ne les fait pas sortir assez vite ou quand on les a fait sortir trop vite. Sur ce qui se passe, une fois qu’ils sont enfermés, moins la société en sait, mieux, semble-t-il, elle se porte. Elle paie pour ne rien voir.

A Saint-Dizier, le docteur Klapahouk est celui par qui le scandale est arrivé, mais il n’est pas le premier à l’avoir dénoncé. Ses collègues, ses prédécesseurs, ont, eux aussi, fait le procès d’une administration tatilllonne, de ses vieux surveillants dont le recrutement ressemblait parfois davantage à celui de gardiens qu’à celui d’infirmiers. Mais ils réservaient leurs critiques aux rapports confidentiels et aux réunions intimes.

“ Il faut, écrit un médecin, parti depuis, avoir vécu ces situations déprimantes pour saisir à quel point d’absurdité peuvent mener certaines gestions aveugles. ”

Le même indique qu’on laisse les malades “ croupir dans des lieux misérables ”, et tient les médecins pour “ d’éternels quémandeurs ”.

Un autre médecin-chef, également parti, signale qu’il a dû écrire cinq fois à l’administration pour obtenir, au bout de deux mois et demi, la réparation d’une fuite d’eau. Le même évoque, outre la vétusté des locaux, les “ mesures coercitives ” de la direction et ses “ dispositions rétrogrades ”.

Il existe un document plus accablant encore. C’est la thèse écrite sur l’hôpital de Saint-Dizier par M. Jean Decabooter. L’auteur y montre ce qu’était la psychiatrie traditionnelle. Comment les médecins-chefs de la vieille école visitaient (l’un toujours accompagné de son chien) leurs services : à peu près comme un adjudant procédant à une revue de paquetage. Comment les surveillants comptaient leurs patients à la façon des gardiens de prison. Comment l’électrochoc était utilisé pour dominer les malades, anéantir leur volonté.

“ J’étais, dit l’un, une cigarette qui se consumait en présence du soleil ”. Le soleil, c’est, bien sûr, le médecin.

De désespérance en désespérance.

Ces psychiatres ont dénoncé les vieilles méthodes. Puis ils sont partis. “ Ou l’on rentre dans l’ordre, dit un psychiatre des hôpitaux, ou on ne tient pas le coup et on s’en va. De désespérance en désespérance. Parfois jusqu’au suicide. ”

L’administration invoque souvent cette “ valse des médecins ” pour expliquer son conservatisme : chacun veut autre chose, dit elle en substance. Or, la vérité est que les psychiatres qui se sont succédé ces dernières années à Saint-Dizier demandent tous à peu près la même chose : que la loi soit appliquée. La loi, c’est-à-dire la politique de secteur, officiellement adoptée en France depuis maintenant 13 ans. De quoi s’agit-il ? De réserver l’hôpital aux cas graves et de créer d’autres équipements plus légers : dispensaires, ateliers protégés, foyers de post-cure. Ces dispositifs existent déjà depuis plusieurs années dans le 13ème arrondissement, à Paris, et à Villeurbanne, dans la banlieue de Lyon. Ailleurs, on a beaucoup de mal à les mettre en place.

Les principales résistances viennent de l’administration. Pas seulement parce que le traitement de directeur est fonction de la taille de l’hôpital. Mais parce qu’il est toujours plus délicat de contrôler des soins diversifiés que de compter des prix de journée. De préparer des infirmiers à communiquer avec les fous au lieu de les surveiller.

“ Pas de baratin avec les malades. On ne leur parle pas, on les soigne ”, dit l’un des infirmiers qui se sont mutinés contre le docteur Klapahouk. Mais comment les soigner sans chercher à saisir leur vérité à travers leur délire ? Cette thérapeutique-là est longue, aventureuse. Mais c’est la seule qui, en l’état actuel des connaissances scientifiques, porte en elle des espoirs de guérison.

“Nous avons un malade qui se mutilait, raconte un médecin, un petit enfant. Comment le sauver ? Un jour, on s’est aperçu que quand on lui tenait la main il ne se frappait plus. Maintenant, il a dix ans. On est aux anges, parce qu’il réussit a tenir quelque chose dans sa main. Pour nous c’est un signe de résurrection, cela veut dire qu’il se considère comme un objet parmi les objets, et qu’il va peut-être retrouver sa place dans le monde. Mais comment faire comprendre cela à un administrateur ? ”

Il reste que, quelles que soient les réticences qu’elle rencontre, la politique de secteur finira par entrer dans les faits. On ne pourra plus encore très longtemps sanctionner l’éducateur qui donne des lapins à caresser à ses jeunes patients. Ni accorder des bulletins de sortie aux malades mentaux comme on délivre des permissions aux soldats du contingent. On saura alors si les super-civilisés du monde occidental, ont le courage de regarder en face cette image déformante d’eux-mêmes, un fou.

François JACQUEMONT.






Remous à l'hôpital psychiatrique.


Les petits chefs.


Le vent nouveau jette la panique.


La grève à l'hôpital psychiatrique.


Pouvoir et pratique psychanalytique de 1963 à 1972.


Lettre ouverte à Mr Poniatowski.


Le personnel de l'hôpital psychiatrique maintient son action et conteste les propos de son médecin-chef.


De septembre 1972 à octobre 1973.


Un inspecteur général de la Santé Publique enquête à Saint-Dizier


De la pratique infirmière.


Ce monde trop caché de la folie.


La sectorisation: La sectorisation psychiatrique évoquée au Conseil général.


Hôpital psychaitrique: le Docteur Klapahouk suspendu de ses fonctions.

Dossier de presse

Dans le Monde du 15-11-1973, Francis Cornu présente sous le titre “ Des infirmiers qui ne croient pas à la psychiatrie, une synthèse du conflit qui opposa le médecin-chef au personnel de son service. Nous ne reproduisons pas cet article et préférons restituer l’intégralité des articles de presse locaux qui introduisent mieux, dans leur succession insistante, au vécu du conflit marqué par ses inquiétudes et ses non-dits.





























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Retour en ville


Un différend sérieux oppose un médecin-chef de l'hôpital psychiatrique de Saint-Dizier au personnel de son service et à la direction de l'établissement.


Un médecin-chef de l'hôpital psychiatrique de Saint-Dizier viole le secret professionel


Le docteur Klapahouk, médecin-chef de l'hôpital psychiatrique départemental est suspendu de ses fonctions.


L'affaire de l'hôpital psychiatrique: le C.G.T. Précise sa position. Et quelques précisions.