L'affaire Klapahouk (retour au sommaire)
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B. Septembre 1972, octobre 1973.
A Saint-Dizier les psychiatres se suivent et ne se ressemblent pas, et lattitude conciliante du Dr Lauff fait place à lautoritarisme du Dr Klapahouk arrivé en septembre. Après quelques mois de compromis avec ladministration et les pratiques instituées, le nouveau médecin-chef ne tarde pas à briser avec ce quil qualifie sans ambiguïté de maternage. Avec Klapahouk, cest le père qui est réaffirmé dans son autorité, au nom dun projet qui narrivera ni à se formuler clairement ni à sinscrire positivement et aboutira à dresser le personnel contre son auteur, lequel vivra son échec comme un meurtre symbolique ... du Père, bien entendu. Les choses ont du moins le mérite détre claires, et pour la première fois à Saint-Dizier ce nest pas tant la pratique médicale asilaire qui est visée que linstitution psychiatrique qui est mise en accusation. Pour Klapahouk, à la différence de la majorité de ses collègues, le fond du problème ne se pose pas dans les termes dune alternative de secteur quil qualifie de quadrillage policier) ou structure asilaire ; et avec lui sont suggérées dans une situation de crise les prémisses dune approche radicalement différente des rapports avec le monde de la folie. Avec Nique et Teboul on en restait à une lutte Pouvoir médical/Pouvoir administratif au sein de linstitution sur la lancée des idées de Mai 68 dans une conjoncture qui ne devait plus rien aux espoirs du printemps précédent - doù léchec dune tentative pourtant radicale dans ses effets. Avec Klapahouk linstitution craque de lintérieur, entre en crise et prend une dimension de conflit du travail. Linstitution livre maintenant sa face cachée et les rapports de travail peuvent y apparaître pour eux-mêmes, pour peu que les protagonistes en amorcent la critique. Danger public pour la D.D.A.S.S. (direction départementale de lAction sanitaire et sociale) personnage spécial pour les habitants de Saint-Dizier qui lont approché, le docteur Klapahouk (avec lequel nous avons eu de longs entretiens) a sans doute de quoi surprendre et les griefs du personnel à son égard sont trés certainement fondés. Cependant, la psychologie du personnage nest pas déterminante en la matière. Coincé entre sa formation analytique récente, sa fonction et sa formation de psychiatre quil poursuit sans y croire, le docteur Klapahouk est lobjet dune contradiction interne qui le ronge et ne peut que le porter à faire éclater son propre malaise. Vous êtes les murs de lasile : Klapahouk en lacanien averti, prêchait la vérité de la folie aux infirmiers invités à se mettre à lécoute de la parole du fou . Agressés par un discours dont ils nont pas le code, déroutés par des interprétations dont ils nont pas les clés, les infirmiers crucifieront le prophète, qui donnera de surcroît à ses juges loccasion inespérée de le condamner, en publiant un certificat de quinzaine , transgression qui ne lui sera pas pardonnée et lui vaudra sa suspension. Par ses origines, la psychanalyse semble se greffer sur la psychiatrie comme un savoir qui a lair de sopposer à elle pour finalement la conserver et la porter à un plus haut niveau de compréhension de la maladie mentale. La pratique médicale enrichie par la Science de lInconscient sassure par propre dépassement et y gagne un surcroît de crédibilité ! Dans le cas qui nous occupe, en lieu et place dun dépassement récupérateur, une cassure est apparue et la psychanalyse au lieu dêtre un lubrifiant de la machinerie psychiatrique semble avoir joué, par Klapahouk interposé, le rôle du grain de sable qui a dérèglé la mécanique. Ce Savoir analytique a permis que seffectue un déplacement en un point nodal de linstitution psychiatrique qui par effet de retour a tenté de la détruire indépendamment des intentions subjectives de son agent principal. Il ne peut y avoir coexistence au sein de linstitution répresssive entre une conception radicalisée de la psychanalyse psychiatrie : la seule conciliation entre psychanalyse et psychiatrie ne peut quêtre le fait du moyen terme de la psychothérapie institutionnelle . Chez Klapahouk, savoir analytique et savoir psychiatrique se neutralisent dans leur opposition irréductible ; la fonction soignante se trouve par là paralysée. Sil brise la fiction médecin-chef soignant, en refusant dordonner les traitements, le docteur Klapahouk se déclare prêt à prendre la direction dune équipe soignante (comme le suggèrent les décrets sur la sectorisation). A ce pouvoir patronal un pouvoir ouvrier va-t-il sopposer ?
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Dossier de presse Dans le Monde du 15-11-1973, Francis Cornu présente sous le titre Des infirmiers qui ne croient pas à la psychiatrie, une synthèse du conflit qui opposa le médecin-chef au personnel de son service. Nous ne reproduisons pas cet article et préférons restituer lintégralité des articles de presse locaux qui introduisent mieux, dans leur succession insistante, au vécu du conflit marqué par ses inquiétudes et ses non-dits.
Reprendre la lecture d'André Breton. |
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