Entretiens avec le personnel soignant. Jaqueline Collet. Florence Perchet. Denise Hanser. Alain Tamisier. Robert Camus. Blanche Janet. Antoine Bounader. Louisette Meier. Daniel Laage. Michel Mori. Sylvie Petit. Claude Lafarge.
Reprendre la lecture d'André Breton à Saint-Dizier. |
BLANCHE JANET Porter cette parole Blanche Janet: Jai pas trop senti cette parole du patient jusquà une époque très récente même si dans les espaces où lon travaille, dans les ateliers dexpression, les patients sexpriment. Lidée de porter cette parole ou de la transmettre est parfois jugée un petit peu de façon péjorative. Cette parole là, on ne veut pas toujours lentendre. Cest difficile dêtre dans un atelier dex-pression et dêtre porteur de cette parole. Je trouve que cela change maintenant. Plus quil y a une dizaine dannées. Je ne peux pas mettre le doigt à lendroit où sest fait ce changement mais cela communique beaucoup plus Cette ouverture de lhôpital, ce changement dapproche du patient. Je me suis beaucoup occupée de patients que lon appelle : hors réalité . Cette parole-là est difficilement accessible puisquil y a un problème de communication. Maintenant, on considère ces problèmes comme, peut-être, non complètement guérissables, mais on peut travailler avec celui qui est hors réalité. Avant, lidée était quil ny avait pas de possibilités daccéder. Il ny avait pas de changements possibles. Le milieu médical a maintenant une autre vision des gens qui sont hors réalité. Ils le sont pour un temps, pas définitivement. La mixité du personnel infirmier. B.J : Cela a commencé à changer quand il y a eu un recrutement dau moins cinquante infirmiers en 1968. Cela a pu commencer à changer parce quon était les premières femmes à entrer dans le service adulte hommes. Avant, cétait séparé. Le docteur Nique avait déjà établi la mixité dans son service. Je ne parle pas de la mixité des patients mais du personnel infirmier. Latelier Léontine G. B.J : On parle dart thérapie. Je dirais thérapie dexpression et de créativité. On intervient à travers plusieurs ateliers. Laccueil se fait différemment suivant les endroits où lon se trouve. A la fabrique Dupré, les patients sont accueillis en groupes sur indication du médecin. Il y a plusieurs degrés dapproche en art thérapie. Echapper à ses préoccupations est un degré souvent utilisé avec les patients en groupe. Le second degré est ce que jappelle la vraie action : exprimer pour se décharger dune émotion. Le troisième degré que lon pratique plus dans les pavillons comme les Glycines est la vraie action et lélaboration à lextérieur de soi. Ici, à Léontine G. on est plutôt dans lidée dune initiation. Il y a un atelier peinture, dessin et modelage. Cest un atelier qui a été ouvert sur la demande du docteur Mori. Les conditions daccueil sont : vouloir peindre et respecter le travail réalisé par les autres patients. Les personnes accueillies viennent de lhôpital de jour. Elles sont reçues régulièrement quand elles nont pas dautres ateliers. Alors, les dessins sont là. Stéphane Gatti: Racontez-nous quelques dessins ? B.J : Je vais plutôt parler de la personne qui produit énormément. Cest une personne qui vient des Lilas. Cest un autre pavillon qui est lié à Léontine G, mais cest un pavillon dhospitalisation. Cest une jeune fille qui aime beaucoup la peinture. Chaque fois quelle arrive, elle a une idée de ce quelle veut faire et elle se met à peindre. Je me contente de lui donner la matière pour faire et que lambiance soit propice à la création. Il ny a pas de jugement. Juste un encouragement à élaborer ces peintures. S.G : Est-ce quil y a une histoire qui se met en place autour de ses différents dessins ? B.J : Non, pas dans son cas. Elle parle très peu delle. Le choix des motifs, de ce quelle peint a à voir avec son histoire. Mais je ne la questionne pas. Elle nen parle pas, je ne questionne pas. Lessentiel est quelle puisse venir peindre. Il faut simplement accueillir ce qui se dit dans la peinture. On ne comprend pas toujours ce qui est dit. Le patient adulte et son histoire B.J : Il y a lhistoire du patient. Il y a lhistoire de sa maladie, les rechutes. Parler du patient et de résistance. Elle est chez le patient dans le sens où il sagit de chronicité. Chaque rechute renforce cette difficulté à sen sortir. Cest difficile de changer, de sexprimer. Il y a peut-être une sorte de renoncement à force de rechuter. Dans les équipes soignantes, la formation est différente. Le fait davoir le médicament entre soi et lautre dans la pratique fait une différence. Avec les enfants, il ny en a pas. Cest la relation qui est forte.[ ] Quand on est en atelier dexpression, il est intéressant de repérer une position de continuité. On peut rencontrer un patient pendant des années. Au cours de ces rencontres successives, lhistoire se raconte. On en a régulièrement des petits bouts. Activités et parole B.J : A Saint-Dizier, dans le service adulte, il ny avait quune partie de ces personnes hospitalisées qui étaient dans les espaces de travail. Jai vu les patients qui navaient pas la possibilité de travailler, ni de faire autre chose. Ce que jen avais perçu était le vide mental. Le vide de ne rien faire de sa journée, même pas de jouer. S.G. : Pour quil y ait écoute, il faut en créer les conditions. Si rien ne leur est proposé, cest le vide. Les activités sont aussi une possibilité de créer de lécoute. B.J : Cest une médiation et là se trouve une possibilité que le patient dise quelque chose de lui ou de sa vie. Autrement, chacun est à lintérieur de soi et chacun se croise. Dire ce métier B.J : Cest très difficile de faire partager le monde de la psychiatrie ou de la folie à quelquun qui ne la pas vécu. Mais jen parlais un peu chez moi quand il y avait un patient qui avait progressé ou qui sen était sorti. Je partageais cela. Sinon, nous travaillons en équipe. Le partage se fait aussi avec la collègue art-thérapeute ou le collègue ferronnier. Il y a des choses qui nous bouleversent. Et, nous avons la possibilité de travailler avec un psychologue toutes les semaines. Nous parlons un petit peu des émotions vécues. Mais cest vrai que je parle assez facilement des choses qui marchent bien à la maison. Cela renforce. Le verger B.J : Lhôpital fonctionnait en autarcie et il y avait un jardin là et tout ça cétait des jardins, le service enfant (actuel). Il reste le verger. Cest magnifique , on peut y aller. Il est très, très beau quand cest le printemps. Cest plein de fleurs. Cest vraiment très, très beau. Cest les fruits. Cest plein de choses. Cest quelque chose dapaisant aussi. Les patients y sont libres. Il y a quelque chose de vivant. Cela se fait un peu moins parce quil y a des règles dhygiène qui sétablissent, mais avant, assez souvent, on faisait des tartes aux pommes ou des choses comme ça. Il y a de très bonnes pommes. Cest un grand verger. Il y a des pommes. Il doit y avoir des cerises, des poires et au centre il y avait une petite place avec un gros noyer, vraiment un énorme noyer qui était là. Cest lendroit que je préfère. |
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