Le père de Martine

Ce sont deux petits objets identiques, très énigmatiques, très attirants.

Sans cesse en ouvrant la porte de l'armoire, mon regard se portait sur ces deux objets brillants : un élastique relie deux rectangles en métal doré de la taille d'un ongle.

Combien de fois ai-je testé l'élastique ! Impeccable, les deux petites choses dorées revenaient toujours à leur place.

En entrelaçant ces deux objets, j'en obtenais un seul, encore plus magnifique que les deux originaux. De multiples combinaisons s'offraient à moi : un objet, puis un animal fantastique, un visage difforme. Mon imagination vagabondait. Les séparer me procurait aussi un réel plaisir ; l'élastique reprenait le dessus et disparaissait à l'intérieur.

Ensuite je les essayais sur les habits en me regardant dans la glace. Je tentais de les accrocher à une de mes boutonnières.

Je savais peut-être que, étant une fille, je ne porterais jamais ces objets.

Mon père, lui, les mettait le dimanche. Il accrochait ces deux boutons de manchettes à sa chemise blanche. Ou plutôt, tentait de les accrocher. Il avait besoin d'aide. A tour de rôle, mes frères et moi avions le droit de les accrocher. Et toute la journée ils accompagnaient les gestes de mon père.

Le village retentissait du son des cloches. Il est midi. C'était sans doute le meilleur moment de la matinée. Vite, je posais mon vélo contre la maison et courais au bout du chemin. L'attente paraissait longue sous le tilleul. Enfin apparaissait mon père au volant du "petit gris" : une fourgonnette Peugeot J7 de couleur grise. Il s'arrêtait à ma hauteur. Je montais sur les genoux de mon père, accrochais la sangle de sécurité sur le côté sans fermer la porte. Et nous roulions ainsi une centaine de mètres. Mes jambes n'atteignaient pas les pédales, mais mes deux mains étaient accrochées au volant. Par moment, le camion roulait sur l'accotement provoquant des soubresauts. Mon père m'aidait à redresser le volant et nous arrivions ensemble à la maison. C'était un bonheur très fugitif, j'accaparais mon père quelques instants avant de prendre le repas en famille.

Le père de Collins.Retour en ville.Mon père est un père formidable.

Revenir à l'exposition.

Le père de Aline.

Retour en ville.