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Le père de Cédric Mon père est né en Normandie à Louviers, mais a passé une bonne partie de ses vacances sur la côte à Etretat, ce qui m'a fait aimer ce petit village côtier très connu pour sa falaise. Il me racontait à chaque fois les balades et les coins secrets où il allait jouer, il m'a fait découvrir les petites grottes ainsi que les endroits où il allait pêcher avec mon grand-père. Quand j'y retourne, je l'imagine en train de se balader sur le bord de mer, passer sous la voûte de la falaise, partir à la pêche à la coque à la marée basse, se faire dorer au soleil sur la plage, mais pas sur le sable car ici à Etretat, la plage c'est des galets. Mon père m'a raconté qu'un jour avec la marée tous les galets de la plage étaient partis, comme si on avait tout enlevé. Il ne restait plus que la terre, cela a duré quelques jours, et un matin quand il est revenu voir la plage, les galets étaient à nouveau là. Mais l'histoire qui m'a le plus marqué, que mon père m'a racontée, c'est de l'époque où il était à l'école à Louviers. Un jour, je regardais à la télé un film sur un homme poursuivi en France comme "l'ennemi public n°1", cet homme c'était Jaques Mesrine. Ce jour-là mon père me dit qu'il avait été dans la même classe que lui et qu'il le connaissait bien. Depuis ce jour il y a des fois où j'imagine ce qu'aurait pu devenir mon père s'il avait suivi cet homme, si celui-ci l'avait entraîné vers la mauvaise pente. Peut-être que je ne serais pas là ou je ne l'aurais connu que peut-être derrière les barreaux. Mais mon père ne l'a pas fait. Mon père a fait plein de petits métiers. Il a fait plusieurs petits boulots : agent de sécurité dans des entreprises de haute-sécurité, croque-mort, livreur, pompiste. Tout petit, je le vois encore dans sa tenue, avec son képi, il est sapeur-pompier. À un Noël j'ai une photo de lui où j'ai son képi sur la tête, mon père me tient dans ses bras. A l'âge de 13 ans je suis rentré comme cadet au centre de secours où il était pompier, et à l'âge de 16 ans je suis devenu comme lui sapeur-pompier. Pendant six ans nous avons travaillé ensemble, ce qui nous a encore plus rapprochés. Je sais que tout au fond de moi j'ai toujours voulu être pompier comme lui, depuis petit. Mon père m'a apporté l'amour de la côte normande, le travail des pompiers, mais aussi l'amour pour le sport mécanique. Depuis 1976 je le suis sur les courses de voiture en rallye et circuit. Mon père m'a appris un peu la mécanique auto mais lui, il était plus sur la piste, au bord de la route, il était commissaire. Ce sont les hommes souvent en blanc qui s'occupent de la sécurité pendant une course. Donc à chaque week-end où je pouvais aller avec lui, je le suivais au bord des pistes et routes en Normandie mais aussi dans toute la France, mais que pendant les vacances. Alors quand j'ai eu l'âge j'ai passé ma licence, j'ai pris place à côté de lui, au fil des années j'ai connu grâce à lui plein de vedettes du sport automobile. Mais le seul rêve que mon père et moi avons, nous ne l'avons pas encore fait en entier à ce jour. Ce rêve c'est à demi réalisé il y a cinq ans. J'ai vu plusieurs fois le départ du Paris-Dakar mais sans aller plus loin que Paris. Notre rêve est de faire cette course entière, ce n'est pas encore pour cette année, mais pour l'année prochaine, qui sait ? Mais ce que mon père m'a donné que je n'aurais pas voulu avoir, c'est son mauvais caractère, car des fois quand j'étais petit, il me gueulait un peu dessus sans me taper, mais en me punissant. En grandissant j'ai fait certaines grosses bêtises qui m'ont valu de grosses engueulades avec lui. Maintenant, quand je pique (très rarement) ma gueulante, je revois mon père avec moi et je me dis que quand j'aurai moi aussi des enfants, j'espère ne pas être comme lui. Quand on nous voit moi et mon père, on nous le dit souvent, y a pas erreur, on se ressemble. De plus mon père est né le 30 mars 1952, moi le 30 mars 1972, ce qui nous fait encore un point commun. A ce jour, mon père après quelques années de galère suite au chômage a retrouvé du travail comme agent communal. Je me revois moi et mon père sur cette photo prise dans la forêt qui se trouve entre Louviers, Pont-de-l'Arche, Le Vaudreuil, et Lery dans l'Eure. C'était un automne car les arbres ainsi que les fougères autour de nous avaient pris une belle couleur de marron. Je me trouve à côté de mon père dans un sentier de la forêt, juste à côté de nous se trouve ma chienne Volka, c'était un berger allemand avec qui j'adorais jouer. Il me semble que la chienne tient dans sa gueule un bâton car j'aimais lui lancer pour qu'elle le rapporte. Mon père se trouve à ma droite un peu derrière moi, il a sur lui une veste d'un costume, un pull et un pantalon en toile gris, sous son pull il a une chemise. Moi j'ai un manteau bleu marine boutonné entièrement qui me descend jusqu'aux genoux. Sur la tête j'ai une cagoule, je pense que ce jour-là il devait faire froid. Sur le bas côté au fond de la photo il y a la voiture de mon père, c'était une Simca 1000 de couleur bleue, on peut apercevoir sur le capot un autocollant avec dessus un dragon vert, c'était l'écusson de l'écurie Simca-Racing Team, car à cette époque mon père courait déjà en rallye. Je pense que cette photo dut être prise vers 1976, je devais avoir 4 ou 5 ans et que c'était un dimanche après-midi après un repas de famille, car vu comment mon père était habillé, cela me fait penser aux habits du dimanche, car il est très rare de voir mon père en costume cravate sur une photo. Je ne me rappelle pas voir autre chose dessus, juste sur le côté des troncs d'arbres coupés empilés les uns sur les autres en pyramides. Sur le côté gauche on peut apercevoir le coin d'un mur et un bout de toiture en bois qui ressemble à un abri de bus, mais c'est une cabane qui sert pour pique-niquer dessous quand il pleut, il y a une table avec des bancs. On peut distinguer sur la photo au fond du sentier une partie de ciel un peu nuageux. Voilà ce dont je me souviens de cette photo. Les mains de mon père, elles ont commencé à travailler très jeunes dans des usines il me semble que leur premier gros travail a été dans une usine de chaussures. C'était une ville usine à quelques kilomètres de chez moi en Normandie. Cette usine était la société BATA, mon père y travaillait avec le sien, ses mains prenaient les chaussures en sortie de machine et faisaient tout le temps la même chose. Puis plus tard elles ont travaillé dans une station d'autoroute, elles ont touché beaucoup d'argent, serré des mains connues ou inconnues, lavé des voitures, des vitres, mais elles ont aussi senti l'essence, elles ont tenu des pistolets d'essence. Puis elles sont passées dans le froid, la glace, les odeurs désagréables du poisson. Après elles ont fait encore plein de petits boulots, mais il y avait pour elles quand même des moments de repos, le soir quand j'étais petit elles venaient me caresser les cheveux ou la joue pour me dire bonjour ou me dire bonne nuit mais elles pouvaient aussi quelques fois faire mal quand je faisais une bêtise, venir me frapper sur les fesses. A la maison elles ont travaillé aussi pour la vaisselle, le ménage, car quand mon père ne travaillait pas elles ne se reposaient pas. Elles ont aussi joué avec moi à faire des courses de voitures, des jeux de société, des bonhommes de neige l'hiver ainsi que du bricolage et de la mécanique. Elles ont touché beaucoup de revues de toutes sortes, musique, sport mécanique, journaux régionaux. Mais elles ont aussi beaucoup zappé car mon père adore regarder la télé, elles ont mis beaucoup de disques et de cassettes sur la chaîne hi-fi ou dans le poste de la voiture, car mon père adore aussi la musique. Elles ont beaucoup conduit car presque tous les week-ends mon père part faire des rallyes ou autre sport mécanique, mais aussi pendant les vacances où nous partions loin de la maison car elles étaient les seules à savoir tenir ce volant. Elles ont tenu aussi plein d'autres choses, mais surtout moi et ma soeur à la naissance ainsi que les mains de ma mère dans les moments les plus difficiles de la vie ou les plus heureux de leur vie. Elles ont tenu mes chats et mon chien qu'elles aimaient promener mais elles ont eu du mal le jour où elles ont dû s'en séparer. Mais elles ont eu chaud aussi car elles ont tenu des lances à incendie quand mon père était pompier, elles ont tenu aussi des personnes blessées mais aussi décédées car pendant quelques années elles ont porté des cercueils. Mais je n'ai jamais vu qu'elles ont eu de grandes blessures. Jamais un doigt ou elles-mêmes cassés, quelques coupures ici et là mais jamais graves. Je les vois toujours aussi douces que dans mon enfance, elles ne sont pas devenues rugueuses encore mais d'ici quelques années elles vont elles aussi vieillir, peut-être pas comme celles d'un marin ou d'un agriculteur qui travaille la terre tous les jours avec, mais bon, qui sait ? J'aimerais savoir en ce moment ce qu'elles font. Elles zappent ? Tournent les pages du journal de la région ? Font la vaisselle ? Caressent mes chats ? Conduisent ou préparent les affaires dont mon père aura besoin pour ce week-end ? Mais dans tout cela ce qu'elles ont fait de mieux c'est prendre la main de ma mère et celle de ma soeur et moi à chaque fois qu'elles le peuvent soit pour nous aider ou nous emmener quelque part. Je pense que mon père a vu beaucoup de choses belles et tristes depuis sa plus jeune enfance. Mais je sais qu'il a vu aussi des choses très tristes durant toute la période où il était pompier, il a vu des morts, mais je sais que comme moi il a vu le corps de son père dans un cercueil. Je sais que c'est le plus triste que mon père ait vu car c'est la première fois que je l'ai vu pleurer. Mais quand je repense aux bons moments que mon père a vu, je sais qu'il y en aura encore plein d'autres. J'espère qu'il verra encore plein de belles choses pour encore plusieurs années.
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