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CHRONIQUE N°7 - L'ESPÈRANCE MALGRÉ TOUT ( par Michel Seonnet )
Mais comment faire face à des visages blessés quand on veut faire entendre des mots qui semblent rejeter leur souffrance ? Je ne suis pas venu les mains vides. Nous avions une histoire pour aller au devant des habitants de la ville. Nous avions un mot. Un mot venu dune vieille histoire des Grecs, lhistoire de Pandore. On raconte que les hommes avaient hérité dune boite où toutes les richesses et les bonheurs du monde étaient enfermés. Bien sûr, il était interdit de louvrir. Mais Pandore était si curieuse ! Un jour elle ny tint plus. Elle ouvrit la boite et tous les dons du ciel senvolèrent. Sauf un. Car Prométhée intervint. Au dernier moment, il rabattit le couvercle de la boite et empêcha le dernier don du ciel de senvoler. Cétait lespérance. La seule chose quil reste aux hommes quand ils ont tout perdu. Voilà de quoi il devait être question. Mais nous nétions pas naïfs. Avant même de commencer nous avions pris la mesure de ce monde. Disons-le : nous ne nous portons pas très bien. Ça craque de partout. Et beaucoup se demandent si ça ne va pas exploser un jour. Trop de blessures. Trop de désillusions. Trop de misères présentées comme des fatalités. Trop de profits dans la poche de quelques-uns dont il faudrait attendre le salut pour tous. Au Café des Beaux Parleurs, on sait bien tout cela. Et les recruteurs de la haine nont aucun mal à suggérer dans la conversation de qui il faudrait se débarrasser pour que les choses changent. Les enclos où parquer les boucs émissaires sont déjà prêts dans bien des têtes. Alors, autant se mettre à labri. Fermer portes et fenêtres en espérant que la tempête ira sabattre ailleurs. Et tant pis pour ceux qui meurent de rage. Ces gosses qui se pendent ou qui sentre-tuent. Au hit-parade des mots, un seul fait fureur : LA HAINE. Haine des autres et haine de soi. La haine est à luvre chez les petits du monde. Ceux qui sont bien au chaud ne peuvent que sen féliciter. Pendant ce temps, les profits continuent, et la bourse senvole. Et pourtant... Parfois on se souvient du vieux mot enfermé dans le coffret de Pandore: ESPERANCE. On se souvient aussi que bien dautres que Prométhée - ailleurs, en dautres temps - ont mis le poids de leur vie dans la balance de ce mot : des Prophètes, des Bâtisseurs, des Rêveurs, des Libérateurs. Suffirait-il, aujourdhui, de prononcer ce mot pour que répondent à son appel des fragments de vies, des histoires, des lieux ? Des mots - nos mots - seraient-ils capables de lui apporter tout un tribut dimages, de récits - MALGRE TOUT ? Nous en sommes toujours là. Cest à partir de là que nous essayons décrire. Nous. Maintenant. Dans cette ville. |
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