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CHRONIQUE N°3 - UNE VILLE A FAIRE RÊVER (par Michel Seonnet)
Parce quici au moins, on sait comment tout a commencé. Comment est venu le besoin de construire, et la manière. Pourquoi on a fait ceci plutôt quautre chose. On sait quici tout a commencé avec un rêve. Comme si on avait voulu faire tenir ensemble moins des murs, des bâtiments - et les hommes et les femmes qui devaient les habiter - que des mots, et le rêve quils étaient capables de faire exister : Lumière - Vision - Verdure - Commodité - Isolement - Luxe - Large espace - Rupture délibérée avec légoïsme individuel - Acte de foi dans lavenir. Près de cinquante ans après, il ne reste plus grand chose des mots du rêve. Seulement un livre dans un placard de lOffice de H.L.M. : Saint-Dizier-le-Neuf - Naissance dune ville. Il ny a quà lire.
La création volontaire et réfléchie dune cité constitue depuis la plus haute antiquité un acte de foi en lavenir en même temps quune expression magistrale et positive de laction humaine. Les exigences de lavenir sont si grandes quil serait très grave de décider de la ville en fonction du seul passé. Ainsi ont été définies les dispositions densemble de la cité à bâtir située dans un cadre naturel que lon sest efforcé de conserver. Lhomme y aura sa meilleure part de lumière, de vision, de verdure, de commodité, mais aussi disolement. Ainsi de 15 à 20 000 personnes y trouveront les conditions dune vie qui leur apparaît aujourdhui encore impossible. 15 à 20 000 personnes y vivront en société organisée sur une étendue de 100 hectares : 200 habitants par hectare dans une ville qui donne limpression de luxe et qui offre à chacun un large espace : tel est le plus beau titre de lurbaniste.
Cette ville est à la fois le fruit dune rupture délibérée avec légoïsme individuel et un acte de foi dans lavenir. Cest sans doute pour bien montrer que les mots étaient à lorigine de tout cela que les porteurs du rêve ont voulu en faire un livre. Un livre qui malgré lâge ne sent toujours pas le vieux livre. Mais le rêve, encore. Peut-être à cause des merveilleux dessins rouge et noir dAndré François. Ou parce que les mots dont il est fait nont rien perdu de leur puissance. Ils désignent une terre où nous navons toujours pas abordé. Cest une terre qui ressemble beaucoup à ces terres par lesquelles les livres ont pris lhabitude de nous charmer - terre rêvée, terre imaginaire, terre dUtopie, Amérique à découvrir, terre en attente desquelles on se sent devenir personnages dhistoires, de contes, de légendes. Les auteurs de ce livre ne disent pas autre chose. Si le texte nest pas toujours aussi triste quun rapport, aussi froid quun compte rendu, cest sans doute quil nest pas de romans passionnants que du crime, quil nest pas dépopées que de la guerre, quil existe une aventure attachante : le roman dune ville qui lutte pour son existence, le roman dune cité qui combat contre le lent enlisement de la vie quotidienne, lépopée du bâtisseur. Voilà où lon habite.
Non pas entre des murs mais à lintérieur dun roman. Un roman écrit par dautres : A. Croizé, Architecte en chef; R. Laurent, Maire; E. Pisani, Préfet. |