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CHRONIQUE N°18 - UN GESTE D'HOMME (par Michel Seonnet)
Bien souvent les villes shonorent par létranger quelles ont su accueillir. Mais elles nen ont pas conscience. Il arriva que dans lun des groupes décriture les mots firent apparaître la forme dun piano. Ce nétait pas un vrai piano. Pas un piano de magasin fabriqué par dofficiels constructeurs de pianos. Mais un piano réinventé par un effort dintelligence. Par cette part vibrant au plus intime de lhomme qui refuse encore et toujours de baisser les bras, dabdiquer devant les on peut pas, on sait pas, devant toutes les bonnes raisons de ne plus rien faire. Un acte de résistance. Non pas un geste surhumain. Mais précisément : un geste où lhumain se révèle. Un geste dhomme. Le constructeur de ce piano est algérien. Il a vécu lessentiel de sa vie en Yougoslavie. Et particulièrement au Kosovo où il a rencontré sa femme. Où sont nés ses enfants. Où lun dentre eux a été tué à cause de la guerre. Ils ont fui leur pays et ont trouvé refuge à Saint-Dizier. Il est venu participer aux groupes décriture. Il a écrit. Nous sommes une famille pauvre, avec beaucoup dangoisses à cause de notre passé et de lavenir. La seule richesse cest déduquer les enfants. Nous avons un logement au Vert-Bois. La majorité des voisins ne sont pas riches non plus, cest ce qui nous soulage. Jai promis à mes enfants de faire un piano et de ne plus regarder les pianos dans les magasins. Tous les matins quand je les amène à lécole je fais attention aux planches et aux bouts de métal jetés sur le trottoir. Les enfants ont honte de voir le papa qui ramasse des objets dans la rue pour faire ce piano. Jai commencé à expliquer la signification de la honte, de la pauvreté, et du sacrifice des adultes sages pour les petits.
Pour la honte, jai pris lexemple de Gandhi pendant la négociation de lIndépendance de lInde, à Londres. Après avoir obtenu lindépendance, il a obtenu de tenir une conférence aux journalistes du monde. Il était habillé en robe, on la obligé davoir un pantalon, il a refusé de le mettre. Il monte sur une tribune assez haute par rapport aux journalistes, femmes et hommes. Gandhi entend : Oh ! La honte . Gandhi répond : Je parle au nom de mon peuple et toute lhumanité, et de leurs sacrifices pour leur liberté. Je vous le demande, quest-ce qui est plus honteux, ce qua fait Dieu pour lhomme ou bien ce qua fait lhomme pour lhomme ? Et je continue dexpliquer à mes enfants et de les faire rire parfois.
A propos de la pauvreté, je pense que dêtre pauvre seulement financièrement, ce nest pas tout à fait ça. Le philosophe allemand Walter Benjamin a dit que la plus grande richesse cest la richesse de la connaissance et de lesprit, on ne peut pas la perdre ni être volé. La preuve, nous avons tout laissé au Kosovo. Si nous avons du courage, la culture et linstruction, nous pouvons avoir la joie et nous voyons la vie belle. Etre riche, est souvent être drogué par le prestige et la richesse et la considération de son entourage, aimer sa voiture plus que sa femme, aimer son foyer de loisirs plus que sa maison, aimer ses amis plus que ses enfants, aimer le culte de largent plus que toute lhumanité et la nature.
A propos de la peine que lon se donne pour les enfants, jai raconté lhistoire de Saint-Christophe. Il y a un enfant qui se noie dans le fleuve. Toute la nuit Saint-Christophe lutte pour le faire sortir du fleuve. Au matin, Saint-Christophe demande à lenfant : Comment tappelles-tu ? Lenfant répond : Je suis ce jour qui va naître. Saint-Christophe meurt tranquillement. Cest le message que Saint-Christophe a laissé à lhumanité, de se sacrifier pour aider les nouvelles générations.
Après mes enfants ont commencé à maider à faire le piano avec courage. Au marché jai acheté deux scies pour le bois et pour le métal, pour 60 francs. Jai trouvé de belles planches et quelques barres de fer. Jai acheté pour 95 francs au CORA des vis et des clous, des tournevis et une pince. Le marteau coûtait trop cher, il est remplacé par une bonne pierre. Mais je ne peux pas connaître davance ni la forme ni la taille du piano. Cela dépendra de ce que je trouverai. Parfois le hasard donne de bonnes idées. Mais il faut que le piano soit très solide pour supporter les tensions des cordes. Jai taillé un tronc darbre en deux parties de chaque côté du piano, chaque partie forme le symbole de la paix, pigeons blancs et rouges blessés. Jai combiné piano droit et piano à queue en faisant attention aux voisins pour le bruit. Les enfants quand ils revenaient de lécole me demandaient : Papa, quest-ce que tu as fait de nouveau au piano ? Je réponds : Patientez encore si vous voulez quelque chose de bien et de beau. Mon piano est déjà formé à lextérieur, mais à lintérieur rien encore. Je ne peux pas trouver les cordes et les touches, ça coûte très cher. Il vaut mieux que je travaille avec mes moyens et calculer de ma façon. Je fais des calculs pour la tension dune corde de Do. Pour un violon, la tension est de 10 kg. Pour un violoncelle, la tension est de 13 kg Pour un piano, la tension est de 40 kg. Sur un piano il y a 223 cordes, la tension totale est de 9 tonnes. La tension sur les cordes est insupportable pour mon piano. Et pour acheter, ces cordes coûtent très cher. Alors je lai fait avec des barres vibrantes et sans résonnateurs (je ne peux pas trouver des tubes). Il résonne bien, la tonalité est suffisante pour les enfants. Lintérêt, ce nest pas davoir un piano. Cest de voir le papa se donner de la peine pour cultiver ses enfants sans moyens financiers. Cest le relais que je donne à mes enfants, et de le transmettre aux générations futures.
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