Le territoire de Pierrot Jeanmaire.
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Les oiseaux perdent leur forme après leurs couleurs. Ils sont réduits à une existence arachnéenne si trompeuse que je jette mes gants au loin. Mes gants jaunes à baguettes noires tombent sur une plaine dominée par un clocher fragile. je croise alors les bras et je guette. Je guette les rires qui sortent de la terre et fleurissent aussitôt, ombelles. La nuit est venue, pareille à un saut de carpe à la surface d'une eau violette et les étranges lauriers s'entrelacent au ciel qui descend de la mer. On lie un fagot de branches enflammées dans le bois et la femme ou la fée qui le charge sur ses épaules paraît voler maintenant, alors que les étoiles couleur champagne s'immobilisent. La pluie commence à tomber, c'est une grâce éternelle et elle comporte les plus tendres reflets. Dans une seule goutte il y a le passage d'un pont jaune par des roulottes lilas, dans une autre qui la dépasse sont une vie légère et des crimes d'auberge. Au sud, dans une anse, l'amour secoue ses cheveux remplis d'ombre et c'est un bateau propice qui circule sur les toits. Mais les anneaux d'eau se brisent un à un et sur la haute liasse des paysages nocturnes se pose l'aurore d'un doigt. La prostituée commence son chant plus détourné qu'un ruisseau frais au pays de l'Aile clouée mais ce n'est malgré tout qu'absence. Un vrai lis élevé à la gloire des astres défait les cuisses de la combustion qui s'éveille et le groupe qu'ils forment s'en va à la découverte du rivage. Mais l'âme de l'autre femme se couvre de plumes blanches qui l'éventent doucement. La vérité s'appuie sur les joncs mathématiques de l'infini et tout s'avance à l'ordre de l'aigle en croupe, tandis que le génie des flottilles végétales frappe dans ses mains et que l'oracle est rendu par des poissons électriques fluides.

André Breton, in Poisson soluble.








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Henry Ey, objets et limites de la psychiatrie.

Henri Ey fait figure de pionnier dans le décloisonnement de l’hôpital psychiatrique et l’élaboration d’un savoir critique en matière de traitement de la souffrance asilaire. Figure tutélaire du docteur Mori, il symbolise l’esprit du travail mené dans l’hôpital André Breton.

Pour nous qui répudions formellement et à la fois toute conception mécaniciste ou psycho-géniste des “ Maladies mentales ”, c’est dans une perspective organo-dynamiste que nous entendons nous placer. C’est-à-dire que nous considérons que la maladie mentale est un accident évolutif du développement, ou de la pleine activité de la vie psychique. C’est une désorganisation de la structure de la conscience ou de la personnalité qui entraîne leur régression à des niveaux inférieurs ou à des étapes archaïques de leur développement. En nous plaçant à ce point de vue, nous comprenons parfaitement que la “ Maladie mentale ” tout en étant conditionnée par un processus organique ne se confond pas avec lui. Il existe un écart organo-clinique qui sépare le processus générateur de la forme structurale de la régression de la conscience ou de la personnalité. Pour prendre l’exemple le plus simple : l’absorption d’un verre d’alcool produit une intoxication qui perturbe l’ensemble de la dynamique cérébrale et provoque une “ maladie mentale ”, une régression de l’activité psychique ; la forme clinique de cette régression dépend à la fois de la profondeur de la dissolution. Mais aussi des réactions propres de la personnalité du buveur, le “ délire alcoolique ” (ou l’ivresse) n’est pas seulement déterminé par l’alcool. Il dépend aussi de l’organisation affective de la personnalité, de son système de pulsions, des situations vitales dans lesquelles l’individu est engagé. Quoi qu’il en soit c’est cette intervention d’une réaction de l’ensemble de la vie psychique dans la structure même de la maladie mentale qui la définit. Elle la sépare et de la maladie organique et des syndromes neurologiques “ localisé, focal ou partiel. ” Elle la sépare aussi, en tant que forme de régression vers des stades ou des phases de pensée inférieure, des variations normales de la vie psychique.

Une telle vue des choses - je le répète - s’adapte aussi exactement que possible au schéma fondamental de l’évolution de la vie psychique auquel nous faisions allusion plus haut. L’être humain se développe en s’organisant sur trois plans structuraux successifs. Tout d’abord le nouveau-né enfermé dans le circuit fermé de ses fonctions végétatives privé de toute activité qui assume seulement sa vitalité. Dans la suite se constitue une vie de relation automatique au cours de laquelle se coordonnent ses fonctions sensori-motrices. Enfin se constitue et s’organise avec le langage et la vie sociale la personne humaine.

Ce schéma est d’une telle évidence et même d’une telle banalité que l’on comprend mal que l’on ne s’y réfère pas plus souvent. Il suffit de s’y rapporter pourtant pour comprendre clairement que la pathologie organique pour si psychosomatique ou somato-psychique qu’elle soit est une pathologie de la vitalité, que la pathologie qui est l’objet de la neurologie est une pathologie des fonctions inférieures de la vie de relation et que la pathologie mentale est une pathologie de l’humanité. C’est en ce sens que je dis que la Psychiatrie est la Pathologie de la liberté car la maladie mentale exprime toujours et nécessairement l’emprise d’une certaine désorganisation de la vitalité (en tant que condition organique de la vie psychique) sur l’activité psychique qu’elle réduit, le décapite ou dissout.

Mais si la Psychiatrie est une pathologie de la liberté elle est éventuellement pathologie de l’humanité, pathologie de ce qu’il y a de plus “ humain ” dans l’homme. L’homme “ aliéné ” ou simplement “ altéré ” dans son humanité reste tout de même un homme, un malade qui souffre dans son humanité. Toutes les formes de psychose ou de névrose à cet égard doivent être considérées comme une libération des instances instinctives ou imaginaires qu’un homme normal porte virtuellement en lui. C’est en ce sens et en ce sens seulement que l’on peut dire que tous les hommes portent en puissance “ les germes ” de la folie. Par contre, dire que tous les hommes sont fous dans la mesure même où ils sont “ fous, passionnés ou originaux ” ou ont un caractère difficile” ou de “ réactions émotionnelles ”, etc... est une absurdité car la folie commune à tous les hommes est seulement en puissance dans la nature humaine de chacun d’eux. C’est contre cette idée que tous les hommes sont “fous”, ce qui revient à dire qu’aucun ne l’est, que s’est fondée et développée la Psychiatrie. Et voilà pourquoi toute extension abusive du concept de “ maladie mentale ” risque de compromettre l’existence même de la psychiatrie.

RESUME

L’objet de la Psychiatrie diffère de celui de la Pathologie organique en ce que les affections organiques altèrent les appareils et fonctions proprement vitaux ; pour si “ psycho-génétiques ” que soient ces maladies en regard de la médecine “ psychosomatique ” et pour autant qu’elles ne se confondent pas avec l’hystérie, elles sont à distinguer de ce chef, de la pathologie mentale. La psychiatrie diffère de la neurologie en ce que les troubles qui constituent son objet sont non pas des altérations des fonctions sensori-motrices instrumentales et localisables mais des maladies de l’activité même d’intégration dans sa tonalité. L’objet de la psychiatrie est distinct enfin des variations psychologiques individuelles normales en ce que les maladies mentales sont des déficits de l’adaptation et non pas des varations réactionnelles aux diverses situations sociales et “ historiques ” auxquelles, l’individu normal doit s’adapter. Selon la conception organo-dynamiste de la psychiatrie qui, tout en puisant son inspiration dans la théorie d’Hughlings Jackson sur l’évolution et la dissolution des fonctions, la transforme résolument dans le sens d’une conception dynamiste et énergétique permet de saisir la maladie mentale (névrose ou psychose) pour ce qu’elle est : une régression de la conscience et de la personnalité vers un niveau ou une phase inférieur et archaïque du développement psychique. Ces modes pathologiques de conscience et de personnalité constituent et constituent seuls le champ de la Psychiatrie.

Henri Ey, extrait du numéro spécial de L’information psychiatrique, Henri Ey, Fragments de l’oeuvre militante, n°48, Janvier 1972.










Sujet, verbe, complément.

Olivier

“ Quand je suis dans le rêve, une femme par exemple, j’ai pas de femme, je rêvais que j’étais dans la femme, c’est pas vrai.

Une fois, j’étais dans la mécanique, je monte je démonte, je le jette et je le balance, je suis calme, j’ai eu un traitement.

Une fois, j’ai rêvé d’une ville de train, y avait des locos qui roulaient, ça fonctionnait tout ça, sur les ponts, quand ils se rentrent dedans, j’aime pas trop, ça les esquinte, c’est mécanique aussi, c’est pas pour les bébés. Un autre rêve : je suis chez ma nourrice, je mange très très bien, de la nourriture, parce qu’avec ma vraie mère, ça s’est mal passé, avant quand j’étais chez mes vrais parents, j’étais bébé, je savais pas c’était quoi des pâtes, des pommes de terre, je mangeais pas de fromage, j’étais bébé, j’ai pas de dents. Une fois j’avais pleuré, j’étais malheureux, chagrin, mais mon vrai père, il était perdu, pas le faux père, le vrai, celui quand j’étais chez ma vraie mère, je suis sorti de son ventre, il était routier. Je ne sais pas me battre, si on me fait du mal à la maison, mon cœur, il bat trop vite, je suis tellement fragile, s’il y a une personne et que je fais une bêtise, elle me rouspète, c’est normal, j’ai du mal à l’engueuler. ” ( hôpital André Breton )



















































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