Michel

“ Je suis en guerre avec personne. Chez nous, on s’entend très bien. Notre référent déjeune avec nous, on l’aime bien, elle nous aime bien. Je rêve à beaucoup de choses, à mes parents, des fois des choses que je ne me rappelle plus, le rêve est passé. J’étais chez Hachette, j’étais manœuvre, et après j’ai été licencié. ”

( Hôpital André Breton )




















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Léontine, une vie.

Hostile à toute posture esthétisante et donc d’une certaine façon à la poésie non compatissante de Breton, le docteur Mori illlustre ses positions par le récit d’une de ces existences cloîtrées dans les murs de l’asile autant que le traitement que leur accorde la société.

Léontine nait le 27 mars 1881 à Troyes dans une famille modeste d’ouvriers en bonneterie. De son enfance, on sait peu de choses sinon qu’elle va à l’école, y apprend à lire et à écrire et qu’à 10 ans, ses parents l’envoient dans un atelier de charité, un ouvroir où l’on enseigne la couture. L’année de ses 19 ans, on la marie à Cabriel G., le garçon qu’on lui a choisi. Le vingtième siècle vient à peine d’éclore, un siècle d’or promet-on, Léontine travaille comme bobineuse en filature dans la prospère cité drapière de Champagne, qui vit encore au rythme fébrile de sa toute récente expansion industrielle ; une existence souriante semble s’offrir à la jeune femme.

Pourtant, au début de 1911, à la suite de problèmes familiaux qui l’opposent à sa mère et à ses soeurs, elle devient d’humeur maussade, se montre de plus en plus irritable, voire franchement agressive à l’encontre d’un entourage qu’elle juge hostile ; elle craint que son mari ne veuille se débarrasser d’elle ; elle suspecte même la voisine de complicité. Elle prend peur, dort un poignard glissé sous l’oreiller. Ses nuits se peuplent de bruits étranges, d’ombres fugitives, de voix menaçantes qui lui promettent une mort violente. Parfois elle doit s’enfuir, se cacher ou dormir dans les jardins alentour. Puis elle s’apaise quelque temps avant que ses idées de persécution ne l’assaillent à nouveau.

En août, le délire gagne en intensité et finit par la submerger, Dans la journée du 11, une crise particulièrement violente éclate ; elle injurie, frappe, casse. Le médecin de famille appelé en toute hâte, impuissant à réduire l’agitation propose 1’internement d’office. Le même jour, elle est dirigée vers l’Asile des aliénés de Saint-Dizier où elle rentre sous le numéro matricule 84..

Sa destinée est scellée, elle n’en sortira jamais. Dans son certificat de 24 heures, le médecin-chef évoque un état d’excitation maniaque avec idées confuses de persécution, hallucinations et impulsions dangereuses ; le diagnostic de schizophrénie qui sera posé plus tard par un de ses lointains successeurs ne pouvait l’être à l’entrée, le terme vient tout juste d’être inventé en cette même année 1911 par un psychiatre suisse, le docteur Burpholzli.

Par la suite les annotations de l’observation médicale montrent que l’état de la malade ne s’améliore guère, sinon qu’elle reste calme et solitaire ; quand on la sollicite, elle tient des propos fragmentaires, énigmatiques et répétitifs ; elle marmonne et soliloque le plus souvent, converse avec ses voix. Elle finit par oublier avoir été mariée, se dit mademoiselle pucelle pour la France et la Russie...

La première guerre mondiale éclate. En 1916 alors que la bataille de Verdun assassine, l’asile départemental est transformé en Centre Psychiatrique militaire destiné à accueillir les blessés évacués du front tout proche. C’est l’époque où le jeune médecin poète André Breton s’y trouve affecté en qualité d’interne ; c’est là qu’il s’initie avec passion aux théories de Freud et qu’il puise dans les délires de ses patients rescapés de l’enfer la notion première de surréalité.

En 1966, à l’un de ses interlocuteurs, Léontine s’inquiète de l’issue de la grande guerre : vous savez celle de la France contre l’Allemagne, est-elle terminée ? Qui l’a gagnée ? Elle n’a rien su de la folie meurtrière des hommes qui, vingt années plus tard, était repartie pour une horreur sanglante et redoublée. Peut-être, comme ses compagnons du malheur, a-t-elle souffert de la faim durant le temps de l’occupation barbare ? Abandonnée, oubliée peut-être déjà depuis longtemps, elle reste là, enfermée dans son isolement intérieur lui-même, ceinturé par les murs de l’asile, symbole d’un ailleurs ou d’un nulle part.

Malade muette et docile, elle est enfin autorisée dans les années 30 à sortir du pavillon pour travailler dans la lingerie de l’hôpital au repassage et au racommodage où, dit-on, elle excellera pendant plus de quarante ans.

En aout 1968, l’intelligence de mai souffle encore et la mesure d’internement d’office dont elle fait l’objet depuis 57 ans, est rapportée ; le groupe social la reconnaît désormais inoffensive pour l’ordre public.

Âgée et fatiguée par tant d’années de rien et d’oubli, elle ne quitte plus l’unité de soins quand je la rencontre en 1972, alors que je prends mes fonctions de chef de service au Centre Psychothérapique de Saint-Dizier, déjà plus hôpital psychiatrique départemental. Je garde le souvenir d’une petite vieille malingre et fragile, au teint cireux, d’un visage parcheminé et décharné contrastant avec un front lisse et haut, aux cheveux rares et blancs tirés en arrière sur un maigre chignon, souvent cachés sous un mouchoir blanc à grands carreaux mauves en toile de Cholet soigneusement repassé et plié chaque soir, aux yeux petits et ronds, écarquillés et vides, aux sourcils obliques et sévères, à la bouche austère aux lèvres serrées, d’un corps osseux et rapetissé, immobile au fond d’un grand fauteuil d’osier, les bras croisés dans un peignoir de cachemire bleu ou une blouse gris sombre. Silencieuse, impassible ou résignée, elle n’abandonnait que quelques rares monosyllabes au passant curieux, enfouie qu’elle était dans son monde profond, indifférente.

Léontine s’éteignit doucement au Centre Hospitalier Spécialisé de Saint-Dizier, le 8 février 1981 dans le pavillon Pinel, dans l’ancienne infirmerie des femmes, là même où elle était entrée l’année de ses 30 ans, où elle avait passé ses soixante dix ans d’internement.

Le mois suivant, infirmiers et médecins s’apprêtaient à la célébrer en soufflant les cent bougies de son gâteau d’anniversaire.

Par son départ discret, elle leur avait épargné de justesse une morbide indécence.

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