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Guy

“ Je ne me souviens jamais de mes rêves, c’est difficile à expliquer, je me souviens que vaguement, j’arrive jamais à savoir ce que sera la fin, y a pas de fin pas de début, y a des mouvements, des acteurs bougent, je vois jamais le fond, y a pas de préméditation, je n’arrive pas à savoir comment ça va suivre, y a de tout comme personnages, certains célèbres, un président, un acteur, y a des murmures derrière, il y a des personnes que je ne connais pas, c’est eux qui donnent l’ambiance, et c’est moi qui ne sait pas comment réagir an face de la situation qui est murmurée et pas vécue, je me trouve dans une condition et on me dit voilà, comment tu réagis ?

Quand j’ai commencé à vivre tout seul, je ne faisais plus de rêves, le trou noir, ça a duré 5 ans. Après j’ai eu des cauche-mars, qui parlaient de guerre, et après ça s’est arrêté, et j’ai fait des rêves normaux, en couleur, et après c’est devenu flou. Je vivais dans l’insécurité quand je faisais mes rêves de guerre, je faisais des cauchemars, assez techniques, des missiles détecteurs d’êtres vivants, qui suivaient à la chaleur de la peau, je sentais qu’on m’en voulait. J’allais acheter une maison, quand je l’ai achetée, les rêves sur la guerre ont cessé omplètement. Pendant ma période de rêves en couleurs, dès que je fumais une ciga-rette, les rêves devenaient en noir et blanc, comme des dessins au crayon de papier. Avec quoi je suis en guerre ? Aujourd’hui plus personne, mais quand je faisais des rêves de guerre, dans mon travail, j’avais des individus qui me harcelaient, j’ai vu que j’allais pas vivre longtemps alors j’ai décidé de ne pas me laisser faire, et c’est cette peur qui m’a donné l’envie de vivre, avant je ne me posais pas de question vis-à-vis de la vie, de la mort. Quand je me suis senti en danger, j’ai trouvé la vie inté-ressante, c’était une guerre psychologique pour sauver sa peau, il n’y avait pas d’issue, trop de monde contre moi, mais c’est fini tout ça. ”

(Hôpital André Breton)


USINE

La grande légende des voies ferrées et des réservoirs, la fatigue des bêtes de trait trouvent bien le coeur de certains hommes. En voici qui ont fait connaissance avec les courroies de transmission : c'est fini pour eux de la régularité de respirer. Les accidents du travail, nul ne me contredira, sont plus beaux que les mariages de raison. Cependant il arrive que la fille du patron traverse la cour. Il est plus facile de se débarrasser d'une tache de graisse que d'une feuille morte; au moins la main ne tremble pas. A égale distance des ateliers de fabrication et de décor le prisme de surveillance joue malignement avec l'étoile d'embauchage.

*

Qu'est-ce qu'on attend? Une femme? Deux arbres? Trois drapeaux? Qu'est-ce qu'on attend? Rien.

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Les pigeons d'arrêt qui font assassiner les voyageurs tiennent dans leur bec une lettre bordée de bleu.

*

Entre les multiples splendeurs de la colère, je regarde une porte claquer comme le corset d'une fleur ou la gomme des écoliers.

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Les égoutiers du paradis connaissent bien ces rats blancs qui courent sous le trône de Dieu.

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Le jour des Morts, je naissais dans une prairie affreuse parmi les coquillages et les cerfs-volants.

*

Soleils des mers astrales, torpillages de rayons noirs et des grands longs bateaux malaise couloir et regards des capres, des muscatelles, des marasquins! Chérie, où est cet acrobate, ce petit nid où je suis né? Le cheval de mon ami est un pur-sang dédoublé, il court à travers champs et lance des flammes par ses naseaux poudreux. Son galop est plus fort que la nuit, plus puissant que la vapeur éthérée de l'amour. Quand pourrons-nous serrer entre nos jambes ce monstre mammifère, cette chèvre thibétaine qui grimpe sur le Gaurisankar au son des flûtes de métal plus doux que ton cri, ô berger désolé. Nous verrons des buvards sanguinolents et des visages bleu pastel. Ils seront habillés de vert de lumière et de feuilles tressées. Leurs yeux sont d'un gris pâle qui fait trembler les hommes et avorter les femmes.

*

Tentation de se faire servir une consommation nouvelle: par exemple une démolition au platane.

*

Présent à la première heure, le hareng blanc astique le comptoir et cela fait une buée de poésie qui affame.

*

Aujourd'hui ou un autre jour on oubliera d'allumer les réverbères.

*

Ne dérangez pas le génie planteur de racines blanches, mes terminaisons nerveuses sous terre.

*

Vous trouverez à toutes ces pages ce simple mot Adieu.

Les oiseaux de menuisier vers le pôle

minuit

des passagers

sévèrement vêtus

la jeune fille

a pour tour de cou

une petite flamme d'alcool

la volonté la volonté

Moyen de faire fortune

avec l'inspiration dentelle

être grave

les serpentins

de la musique

les mains

devant un mécanisme d'horlogerie

comme le ciel

Reprendre la chanson de gestes

autant rire

du rectangle réclame

aux eaux minérales et aux fleurs

ne quittez

pas le moment vient où la tendresse

passe

parmi l'honorable société.

André Breton et Philippe Souppault in les champs magnétiques.

André Breton et l’écoute :

Il écrit encore sur cette question :

“ Le sujet doit noter lui-même avec la neutralité absolue d'un témoin étranger indifférent ou, si l’on veut, d'un simple appareil enregistreur, toutes les pensées, quelles qu'elles soient, qui traversent son esprit. C'est ensuite à l'observateur à distinguer, dans la succession de ces manifestations idéatives, celles qui peuvent mettre sur la voie du complexe pathogène initial. “

Il ne fait pas de doute que l'orientation première de Breton vers l'écriture automatique a été déterminée, comme il a pris soin de le signaler dans le Manifeste, par ce contact initial avec la pensée de Freud dans ses insuffisances mèmes et ses lacunes ; quand, relatant en 1924 l'expérience de 1919, il la rattache à la méthode freudienne, il s'appuie très exactement sur ce qu'il a appris de Freud à travers Régis :

“ Je résolus d'obtenir de moi ce qu'on cherche à obtenir d'eux (les malades mentaux), soit un monologue de débit aussi rapide que possible, sur lequel l'esprit critique du sujet ne fasse porter aucun jugement, qui ne s'embarrasse, par suite, d'aucune réticence, et qui soit aussi exactement que possible la pensée parlée.

Un peu plus loin dans le Manifeste, c'est l'expression même de Régis qui reparaît spontanément :

“ Nous qui ne nous sommes livrés à aucun travail de filtration, qui nous sommes faits dans nos œuvres les sourds réceptacles de tant d'échos, les modeste appareils enregistreurs qui ne s'hypnotisent pas sur le dessin qu'ils tracent... “

Ces constatations interdisent d'accepter pleinement des points de vue récents qui tendent à réduire l'importance de l'apport freudien dans la découverte ou la théorie de l'écriture automatique, au bénéfice soit de la parapsychologie de Myers soit de Janet, Jean Starobinski insiste sur le rôle des conceptions de Myers dans l'élaboration de la pensée de Breton.

Marguerite Bonnet, André Breton, La naissance du mouvement surréaliste (p.104)



Roseline Huon, éducatrice.


Valérie Vial est éducatrice.

Robert Camus.
Robert Camus, ancien ouvrier de la métallurgie. Pendant vingt ans, ergothérapeute à l'hôpital André Breton de Saint-Dizier. Il a vu la fin de l'époque où l'atelier fer servait à construire des portails pour tous ceux qui en avaient le désir.





























Les entretiens avec le personnel soignant.

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