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RIDEAUX

Souricières de l'âme après extinction du calorifère

blanc méridien des sacrements

Bielle du navire

Radeau

Jolies algues échouées il y en a de toutes couleurs

Frissons en rentrant le soir

Deux têtes comme les plateaux d'une balance

André Breton et Philippe Souppault in les champs magnétiques.

Chapitre IV

Un peu de repos

5 novembre - 23 décembre 1915

Ce fut en poussant un gros soupir de soulagement que nous mîmes sac à terre et procédâmes à l'installation de notre cantonnement ; enfin - nous allions donc pouvoir nous reposer un peu. Ah ! bien oui !... nous avions compté sans les exigences du métier... Exactement huit jours après notre arrivée à Changy, arriva l'ordre de se tenir prêts à partir le lendemain, nous montions en secteur au bois d'Hauzy, entre Ville-sur-Tourbe et Vienne-la-Ville. Cela nous surprit extrêmement, après l'effort que nous venions de fournir, nous étions en droit de compter sur un repos un peu plus long, enfin, c'était l'ordre, il n'y avait pas à discuter.

Le lendemain, nous embarquâmes en camions-autos qui, le soir, nous amenèrent à la ferme d'Arajah à quatre kilomètres de Vienne-la-Ville. Pendant que les officiers allaient reconna¦tre le nouveau secteur, on nous fit pénétrer dans un petit bois où nous campâmes en position d'attente, sacs montés et faisceaux formés. Nous nous attendions à monter en ligne dans la 2e partie de la nuit quand les officiers seraient revenus, or, quand ceux-ci revinrent des tranchées, crottés, boueux, dans un état lamentable, arriva en même temps l'ordre de réembarquer en camions-autos, ce n'était plus notre division qui montait en tranchées, il y avait eu erreur !... On avait fait déplacer dix mille hommes en pure perte, brûlé l'essence nécessaire à ce déplacement, cela n'avait pas d'importance, c'était le gouvernement qui payait !... Cependant, nous qui avions passé la nuit entière à attendre les événements, nous ne fûmes pas mécontents du tout de la tournure que prenaient les choses, nous retournions au repos, c'était tout ce que nous voyions de clair dans l'affaire.

A dix heures nous remontâmes en autos, salués au départ par quelques obus, le convoi ayant été aperçu par les “ saucisses allemandes ” ; obus qui, d'ailleurs ne causèrent aucun dégât et qui au contraire ne hrent qu'accélérer le départ ; tout allait donc pour le mieux dans le meilleur des mondes. Après un voyage assez mouvementé au cours duquel il nous fallut, à plusieurs reprises, descendre des voitures pour les aider à monter les côtes, les roues caoutchoutées patinant sur les routes grasses de boue, nous arrivâmes le soir à Bassu, pourquoi pas à Changy que nous avions quitté la veille ?... Ne cherchons pas à comprendre !... Cette fois, nous espérions bien que nous allions enfin avoir ce qui s'appelle du repos, que nous n'allions plus faire de fausses manoeuvres dans le genre de celle-ci, erreur !... Quinze malheureux jours de repos comp]et étaient un rêve, une douceur réservée à d'autres, mais pour nous, nous étions les nouveaux Juifs-Errants, impossible de rester deux semaines de suite dans le même endroit. Nous étions restés huit jours à Changy, nous n'y restâmes que sept à Bassu, ça progressait...

Le 11 novembre, parut à la Décision du Colonel ma nomination de Sergent ; j'étais heureux, comme bien l'on pense, de coudre sur mes manches la sardine en or de sous-officier, je n'avais que 6 mois de grade de caporal, c'était un succès.

Deux jours après, 13 novembre, nouveau départ ; cette fois nous ne montions pas en secteur mais devions exécuter des travaux de 2e ligne devant Tahure. Nous prîmes à nouveau les camions-autos qui nous débarquèrent à Suippes, puis, de là, nous gagnâmes à pied le village de Perthes-les-Hurlus, ou plutôt les ruines de Perthes car il ne restait au village, en tout et pour tout, qu'une cabane de cantonnier, le reste s'était écroulé, émietté sous les obus allemands. Chaque section se logea comme elle put dans de vieux abris, dont la toiture pourrie laissait filtrer l'eau, et infestés de vermine... comme repos cela se présentait bien. Pour ajouter encore au charme de la situation il se mit à faire un temps épouvantable, la neige tomba pendant plusieurs jours, puis après la neige vint la gelée, une gelée si forte que, bien qu'on ne fût encore qu'en novembre, on trouva un beau matin un des chevaux de la cuisine mort de froid. Notre travail consistait à creuser des tranchées et boyaux de communication devant Tahure, nous ne travaillions que la nuit mais, pour y arriver, il fallait s'offrir une promenade de 9 kilomètres et autant pour le retour ce qui faisait 18 et de plus, le Génie à la disposition duquel nous étions, exigeait une tâche de 2 mètres cubes et demi par homme ce qui représentait au minimum cinq heures de travail exténnant, dans un terrain crayeux, difficile à travailler... c'était du repos !...

Nous ne devions y rester que dix jours, mais, ce laps de temps écoulé, le Colonel commandant le Génie fit paraître une note dans laqueIle il nous adressait ses plus vives félicitations, pour la bonne exécution des travaux qui nous étaient confiés et pour le bon rendement fourni mais, pour nous donner une preuve plus éclatante de son contentement il ajoutait... qu'il nous gardait huit jours de plus ! Nous faisions une drôle de figure, et pendant ce temps les autres régiments de la Division étaient tranquillement au repos, loin à l'arrière, ah ! il était joli notre repos, vraiment !

Enfin, les huits jours supplémentaires se passèrent tant bien que mal et le 1er décembre les camions - autos revinrent nous prendre à Suippes et nous ramenèrent à Bassu. Trois jours après, j'eus l'immense joie d'obtenir ma première permission du front. De Bassu où j'étais cantonné, il me fallait passer à Rosay au bureau du Colonel pour y prendre mon titre de permission et de là me rendre à Vitry-le-François où je devais prendre le train, ce qui me faisait un total de vingt-trois kilomètres que je fis à pied, naturellement, de plus il faisait un temps affreux, l'eau tombait à verse, cela me laissait complètement indifférent... je partais en permission !...

Je débarquai à Evron dans la nuit du 5 au 6 ; ma plume est impuissante à décrire la joie que j'éprouvai en revoyant mon vieux pays mayennais, calme, tranquille, tel que je l'avais laissé sept mois plus tôt. Quel contraste, pensais-je, offre mon pays natal avec les régions dévastées de la Champagne ainsi qu'avec toutes celles traversées par la ligne de feu, et combien sont heureuses les populations de l'Ouest qui n'ont pas eu à subir les horreurs de la guerre...

J'avais une permission de six jours, ce qui me donnait droit à huit, le jour d'arrivée et de départ ne comptant pas. Ces huit jours se passèrent, hélas ! comme une vision, et le 13 il fallut reprendre le chemin du front. Dire que j'avais le même enthousiasme qu'au mois d'avril serait exagéré. J'avais goûté à la guerre et, cette fois, je savais ce que je laissais et encore mieux ce que j'allais retrouver, néanmoins ce fut, non sans émotion, mais sans défaillance que je dis adieu à mes parents et que je repris la direction de la Champagne. Après un court arrêt à Paris entre deux trains, je filai à nouveau sur Vitry et Bassu où j'arrivai dans l'après-midi du 15 ; grande fut ma surprise d'apprendre que le 115e que je croyais fermement retrouver dans ses cantonnements était parti depuis deux heures.

Trop fatigué pour refaire une nouvelle étape je passai, avec plusieurs autres permissionnaires, la nuit à Bassu, mais dans la paille cette fois, ce n'était plus les bons draps blancs de la permission !... et le lendemain matin je rejoignis mon bataillon cantonné à Villers-le-Sec. Cependant, le repos touchait à sa fin, il était question de reprendre à nouveau la vie de tranchées et cela juste au début de l'hiver, sous la neige, dans la boue, ce n'était guère encourageant ; pour moi qui rentrais de permission, qui avais encore, comme l'on dit vulgairement “ la fumée du train dans les yeux “ j'éprouvais un vague cafard à l'idée de remonter en ligne, mais au bout de deux jours, ce catard disparut, j'étais repris à nouveau par l'ambiance, par une sorte de “ je m'enfoutisme “ qui caractérise le soldat français. Le 20 décembre, nous fûmes cantonnés à Noirlieu après une dure étape sous la neige qui ne cessa de tomber toute la journée. Le lendemain une nouvelle étape nous amena à Voilemont où nous restâmes deux jours. Le 23, après avoir traversé la plaine de Valmy, d'historique mémoire et où j'aperçus en passant la statue de Kellermann se profilant à l'horizon, nous arrivâmes à Courtémont, à dix kilomètres de la ligne de feu et le lendemain soir, en guise de réveillon, nous montions à la Main de Massiges.

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Claire

“ Je rêve à mon papa, à ma petite sœur, à l’hôpital, à Léontine G., aux amis, au judo et au Moving. Dans ces rêves, il se passe des choses bizarres, que je suis chauve, que je suis malade à l’hôpital, que ma petite sœur est méchante avec moi. Il se passe des choses bien, au judo, au Moving, qu’on est bien. Je rêve au corbeau et au renard, le corbeau tient dans son bec un fromage, il le fait tomber par terre, le renard, il le ramasse, le corbeau n’est pas content, le renard, il voulait lui prendre le fromage, j’aime bien le renard parce qu’il est rusé. Je rêve que je chante, je danse, j’ai un petit copain, c’est dans une boum, on boit, on rit avec les copains, on se déguise. Je me déguise en chien. En guerre avec ma petite sœur, elle est méchante avec moi, elle traite mon papa de con. ”

( Hôpital André Breton. )
















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