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Arthur rimabud est la maître d'André Breton. Le poème qu'il écrit avant d'arriver à Saint-Dizier, Age, est directement inspiré de celui de Rimabud, Aube.

































































































































Retour à l'Hôpital André Breton.Monuments aux victoires inutiles.Retour en ville.






















Sujet, verbe, complément.





















Loïc

“ Mon combat c'est au foot, défendre notre camp. Je rêve des chevaux dans des parcs, je suis en train de les regarder, j'aime bien la couleur de leur poil et la vitesse qu'ils vont.””


Méandre

“ Je rêvais de faire un hôtel, l'hôtel des sports, avec un terrain de foot, une discothèque, des repas chinois, pakistanais, de partout, y aura 1000 chambres, une scène de musique et une salle de cinéma.

Je suis en guerre contre la peine de mort, elle est pas bien.

Et l'Algérie, pays oublié, je voudrais qu'il n'y ait plus de chômage. ”.

S.I.P. de l'I.M.E.


Chapitre III

Mon passage au 115e

24 septembre - 27 octobre 1915

(Offensive de Champagne)

Dans la nuit du 24 au 25 septembre 1915, le Bataillon alerté reçut l'ordre de se porter en soutien dans des tranchées en avant de Baconnes. Nous traversâmes Mourmelon-le-Petit au milieu d'un chaos sans nom : troupes qui montaient à l'attaque, batteries d'artillerie, caissons de munitions, voitures d'ambulance, etc, tout cela faisait un vacarme qui, ajouté au bruit des canons tirant sans arrêt, devenait de plus en plus assourdissant ; des canonnières situées sur le canal de la Marne à l'Aisne, lâchaient, avec leurs longues pièces de marine, des bordées qui nous faisaient tressaillir à chaque coup.

Il faisait petit jour quand nous arrivâmes à nos emplacements ; c'étaient de vieilles tranchées à moitié éboulées, creusées depuis des mois et des mois et non entretenues, et pour comble sans abris. Notre premier soin fut de tendre nos toiles de tente au-dessus de nos têtes, car l'eau qui commençait à tomber menaçait de transformer nos tranchées en ruisseaux boueux.

De l'endroit où nous nous trouvions, nous pouvions suivre, en partie, les différentes phases de la bataille ; nous assistâmes à des tirs de barrage formidables, le sol tremblait comme secoué par la main invisible de quelque géant, l'air était obscurci, saturé de soufre, de fumée provoquée par l'explosion des obus français et allemands ; c'était un spectacle grandiose, fantastique, nous avions peine à croire qu'il pût se mouvoir des êtres humains, des hommes au milieu d'un pareil enfer. Vers le soir, nous eûmes de bonnes nouvelles : une avance de trois kilomètres en profondeur, dix mille prisonniers, la cavalerie chargeait, etc., nous voyions déjà la percée faite, les Allemands battus, la paix proche, hélas . Au bout de trois jours il fallut en rabattre, la préparation d'artillerie faite en majeure partie avec nos 75 fut nettement insuffisante, des centres de résistance, comme le fortin de la Courtine à Tahure, restés indemmes malgré la pluie de fer qui s'était abattue sur eux, brisèrent net notre avance et, dès le quatrième jour, on recommença à piétiner sur place et ce fut à nouveau la guerre d'usure, grosse de pertes et maigre de profits.

Dans notre position nous évitions autant que possible de nous faire voir afin de ne pas nous faire repérer et nous eûmes la chance de nous en tirer avec quelques rafales qui n'occasionnèrent aucun dégât. Le 27, la 35 Cie fut appelée pour renforcer le 142e d'Infie ; ma Cie n'étant pas encore désignée pour monter en renfort, obliqua un peu sur la gauche dans un bois de sapins où nous pûmes enfin nous loger dans des abris, mais quels abris ! Le toit était construit avec de maigres rondins mal joints qui laissaient filtrer l'eau malgré la mince couche de terre qui les recouvrait. La paille qui recouvrait le sol à l'intérieur n'avait jamais été changée, de sorte qu'elle avait pourri puis séché sur le sol si bien que lorsque nous marchions dessus elle dégageait une poussière fétide qui nous prenait au nez et à la gorge... c'était tout de même mieux que de loger à la belle étoile sous le vent et la pluie...

Le 4 octobre, départ, nous quittâmes nos positions pour retourner à Mourmelon-le-Petit où l'on nous logea dans les docks ; arrivés vers 10 heures du matin, nous en repartions à 4 heures de l'après-midi ; comme l'heure du départ avait été tenue secrète, nos cuisiniers d'escouade ayant touché le ravitaillement, s'étaient mis en devoir de faire cuire le rata ; l'ordre de rassemblement arrive, le rata pas cuit est immangeable, le “ jus “ bouillant est inbuvable, pas de place dans les bidons pour l'emporter (chacun s'étant ravitaillé en “ pinard “) pan ! un grand coup de pied dans les marrnites, ce fut vite nettoyé et le campement monté sur les sacs en un clin d'œil... On serra sa ceinture d'un cran et l'on partit ; vers quel endroit ? Mystère. Nous allions bientôt être fixés.

En quittant les docks nous nous dirigeâmes sur Mourmelon-le-Grand puis, après avoir traversé le pays et afin de laisser la route libre aux camions-autos et aux convois d'artillerie, nous piquâmes droit à travers le Camp de Châlons. Tant qu'il fit jour cela alla à peu près mais, dès que la nuit fut venue la marche devint extrêmement pénible ; il était tombé de l'eau dans l'après-midi rendant le sol gras, très glissant de plus ne suivant aucun chemin tracé, ce n'était que trous, fondrières ou fossés dans lesquels nous ramassions des culbutes à tour de rôle, ce n'était qu'un perpétuel mouvement d'abaissement et de relèvement tout le long de la colonne.

Vers une heure du matin, nous arrivâmes à St-Hilaire-le-Grand où, tout d'abord, nous crûmes qu'on allait nous loger dans ces ruines, erreur ! Nous fîmes la pause à l'entrée du pays et si grande était ma fatigue que je m'allongeai sur le bord du fossé pour tâcher de dormir un peu, ce fut peine perdue ; à environ 50 mètres de nous était placé un mortier de 270 qui tirait en moyenne un coup toutes les dix minutes ; chaque fois que le mortier crachait sa mitraille, une détonation formidable ébranlait le sol nous soulevant de terre comme une plume. Bien que ce fût une pièce française nous eûmes vite fait de lui donner un nom, la “ Grosse Bertha ”, en souvenir des canons lourds allemands qui avaient pris Liège et Namur.

A trois heures nous nous remîmes en route, mais cette fois nous savions vers quel but : renforcer le 115e d'Infanterie sur la ligne de feu. Après avoir dépassé Saint-Hilaire, nous entrâmes de suite dans la zone ravagée par la Bataille, plus de chemins tracés, ceux qui existaient auparavant n'étaient qu'une série d'entonnoirs. Il nous fallait enjamber les fils de fer embroussaillés, les tranchées éboulées, contourner des trous d'obus immenses, nous n'avancions pas vite ; enfin au petit jour nous arrivâmes au bois Raquette où était terré le 1er Rt du 115e. On nous fit descendre dans une sorte de boyau situé entre deux batteries d'artillerie, l'une de 75 et l'autre de 155 et qui tiraient sans arrêt ; de plus ce boyau était pris d'enfilade par les canons ennemis ; à peine une heure s'était-elle écoulée depuis notre arrivée qu'un obus de 150 tomba en plein dessus, tuant le sergent Gastine, le caporal Manccau et blessant trois hommes, cela débutait bien...

Vers cinq heures, les fourriers des Cies arrivèrent et l'affectation commença ; j'eus la chance sur la demande du sergent Maies d'être affecté à sa section commandée par l'Adjudant Maurice et, naturellement à la même Cie, commandée par le Capitaine André. L'affectation terminée, nous nous dirigeames aussitôt vers nos compagnies respectives, la mienne occupait la lisière sud du bois Raquette (ainsi appelée parce qu'il est formé d'une série de boqueteaux ayant à peu près la forme d'une raquette de tennis, et terminé par un bois en long, représentant le manche). A notre arrivée, tous les survivants sortirent de leurs trous et alors un spectacle extraordinaire s'offrit à ma vue : douze jours de lutte et de souffrances avaient entièrement transformé ces hommes ; barbe longue, amaigris, les yeux luisants de fièvre, blanc des pieds à la tête par suite du terrain crayeux dans lequel ils vivaient, ils n'avaient plus rien d'hommes civilisés, on aurait dit une troupe de sauvages ; le contraste était d'autant plus frappant que nous, les nouveaux, nous étions frais et roses, la plupart habillés de neuf ; il est vrai que, quelques jours plus tard, nul n'eût pu reconnâître un ancien d'un nouveau, nous avions tous le même physique et même allure.

L'adjudant Maurice à qui je me présentai, me donna le commandement de la 10e escouade puis, me montrant les obus qui, de plus en plus serrés tombaient sur le bois, il ajouta : “ Si j'ai un conseil à vous donner, c'est de prendre des outils et vous creuser un trou, car il va faire chaud ici tout à l'heure ! “. Moi qui trouvais que ça tombait déjà pas mal, je me dis : “ Qu'est-ce que cela va donc être “ tout à l'heure ? “ “. Je suivis néanmoins son conseil et, bien m'en prit car, vers midi, les batteries allemandes répondant au feu de plus en plus serré des nôtres se mirent à arroser le bois avec un acharnement inouï. Une pluie de fer et de feu tombait sans arrêt ; nous étions terrés dans nos trous, assourdis par les explosions, recouverts à chaque instant de terre projetée par les obus, n'échangeant que de rares paroles, anxieux mais résignés, attendant la mort à chaque seconde. Trop souvent, hélas ! on se transmettait de trou à trou la phrase suivante : “ Un tel est tué, un tel est blessé, faites passer les brancardiers ! ” Enfin, vers quatre heures, le bombardement diminua d'intensité sans cesser complètement, nous pûmes cependant sortir de nos trous pour étirer un peu nos membres engourdis.

Comme nous devions attaquer le lendemain matin, il y eut distribution de grenades et de morceaux de toile blanche, carrés, que les hommes devaient coudre sur leurs sacs afin de guider les avions qui suivaient notre progression et qui, eux-mêmes, renseignaient l'Artillerie. J'avais, dans ma nouvelle escouade, un poilu que j'avais déjà eu sous mes ordres au 124e, un Mayennais du côté de Gorron, nommé Esnault, sorte de brute, braillard et pochard comme un Polonais, menaçant de tout avaler, de descendre les gradés, etc, quand il était à l'arrière mais, au feu, poltron, froussard comme pas un. Je m'étais déjà aperçu, lors de notre arrivée qu'il n'en menait pas large et je me demandais quelle figure il avait bien pu faire sous le bombardement. Je le cherche pour lui remettre sa part de grenades et son carré blanc, impossible de le trouver ; je me renseigne auprès de ses camarades, personne ne l'avait vu. Où diable pouvait-il bien être passé ! A environ 150 mètres du bois se trouvaient des wagons et des piles de rails de petit chemin de fer de campagne Decauville (vulgairement appelé Decau), l'idée me vint d'y aller voir pensant y trouver mon Esnault, peine perdue, l'oiseau n'y était pas, je revins vers le bois, assez vite, car les obus tombaient encore ça et là lorsque, arrivé à une cinquantaine de mètres de la lisière j'aperçus, étendue sur le sol, une masse informe et sanglante que tout d'abord je pris pour un quartier de bœuf perdu par le ravitaillement, lorsque m'approchant je restai pétrifié d'horreur : un malheureux poilu sortant du bois quelques secondes après moi, s'était trouvé pris dans le rayon d'action d'un obus. Il avait eu les deux jambes sectionnées au-dessus des genoux et les deux mains arrachées ; quelques secondes, je restai bouleversé par la vue de ces quatre moignons sanglants, puis je continuai la recherche de mon Esnault que je trouvai enf¦n au fond de son trou, les yeux hagards, vidant son bidon pour se donner du courage. D'où sortait-il, où s'était-il fourré pendant le bombardement ? Je ne l'ai jamais su ; lui jurait ses grands dieux qu'il n'avait pas bougé de son trou, alors que j'étais absolument certain du contraire. Quand je voulus lui remettre sa part de grenades et son morceau de toile, ce ne fut pas fini. Il prétendit que s'il cousait ce morccau blanc sur son sac, les Allemands le prendraient pour un franc-tireur et que s'il était pris il serait fusillé sur-le-champ (des histoires à dormir debout !). Pour les grenades ce fut encore plus simple, il prétendit ne pas savoir s'en servir. Je lui expliquai d'abord la raison, le pourquoi de ce morceau blanc puis, comme je m'approchais de lui pour lui démontrer le mécanisme d'une grenade, il se recroquevilla dans le fond de son trou, les genoux à hauteur du menton, se cachant la tête avec son bras en disant d'une voix pleurarde assaisonnée d'un fort accent mayennais : “ J'vieux point toucheur à çà moi, je vieux point toucheu à çà ! ” Puis, comme j'insistai de nouveau, il se mit à trembler, à pâlir si bien que je crus qu'il allait s'évanouir, pris de pitié... et de dégoût devant une pareille loque, je m'éloignai tout en me promettant bien de le tenir à l'œil.

Le 117e d'Infanterie formant Brigade, avec nous, devant attaquer le lendemain matin, nous reçûmes l'ordre de nous tenir prêts à partir à minuit pour monter d'abord en soutien à l'Épine de Vedegrange, pour, ensuite passer à notre tour troupes d'assaut si l'attaque (dont l'objectif était Sainte-Marie-à Py) se déroulait selon les prévisions du Commandement.

A minuit donc, nous nous mîmes en route ; le bombardement était déjà commencé depuis une heure et toutes les bouches à feu, tant françaises qu'allemandes crachaient à qui mieux mieux, avec cette différence que les obus allemands contenaient du gaz lacrymogène qui, sans être excessivement dangereux n'en était pas moins très gênant. Nous prîmes directement à travers la plaine, le Bataillon en colonne par deux formant une immense chenille zigzagant sur le terrain. Il fait très sombre et comme nous n'avions que les fusées partant de la première ligne pour nous éclairer, les guides se trompèrent de chemin et nous égarèrent ; pendant trois heures ce fut une marche folle sous les obus, faisant demi-tour, changeant dix fois de direction dans un terrain ravagé, bouleversé, rempli de trous d'obus dans lesquels nous tombions à chaque instant : à un moment donné, nous trouvant dans un ravin au fond duquel s'était amoncelée une immense nappe de gaz, nous fûmes obligés de mettre nos masques, ce fut le comble ! Le masque que nous avions à cette époque se composait de deux parties : une paire de lunettes dites “ chauffeur d'auto “, et une sorte de tampon ouaté, imbibé d'hypposulfite. Le verre des lunettes était formé d'un mica très peu transparent au naturel et qui, dans les conditions où nous nous trouvions, ne tarda pas à être complètement terni ; le tampon appliqué contre le nez et la bouche et au travers duquel il fallait respirer, remplissait à merveille l'office d’un bâillon, c'était complet ! Au bout de quelques minutes, oppressé par ce maudit tampon et aussi par le poids de mon sac, aveuglé par mes lunettes, je n'y tins plus, j'arrachai le tout et je continuai la marche comme je pus, tant bien que mal, les yeux remplis de larmes par suite du picotement causé par les gaz, tirant la langue, en proie à une soif atroce, la gorge brûlée par les émanations des gaz et par la fumée provoquée par les obus.

Malgré la situation critique où nous nous trouvions, il me fut donné cependant d'assister à un petit intermède comique, dont mon Esnault fut le principal acteur. Pour ne pas le perdre de vue je l'avais mis à ma droite, au début ça alla tant bien que mal, mais je le sentais inquiet, sous pression pour ainsi dire ; quand nous entrâmes dans la zone dangeureuse, ce fut toute une affaire ; chaque fois qu'un obus sifflait au-dessus de nos têtes il se cramponnait à ma capote ou s'aplatissait sur le sol en criant : “ Ca y est ! “ J'en riais les premières fois, puis à la fin, impatienté, je lui crie : “ Est-ce que tu ne vas pas bientôt nous f... icher la paix avec tes “ ça y est”, à quoi cela t'avance de crier de la sorte ! ” Peine perdue, au premier obus qui rappliquait, il recommençait de plus belle, quel type !…

Finalement, un obus incendiaire éclatant à la corne d'un petit bois et y mettant le feu nous pûmes, à la lueur de l'incendie, gagner un élément de tranchée creusé au revers d'un petit mamelon qui, par sa position, nous mettait à peu près à l'abri des obus et, chose appréciable, n'était pas empesté par les gazs ; nous en profitâmes pour souffler un peu mais comme ce n'était pas l'emplacement qui nous était assigné, il fallut une demi-heure plus tard, reprendre la marche sous les obus. Il faisait jour quand nous arrivâmes enfin à nos emplacements réels, ayant mis cinq heures pour faire 6 kilomètres et éprouvant d'assez fortes pertes, entre autres notre chef de Bataillon, Cdt de Baulny qui, blessé grièvement, succombait le lendemain à la suite de ses blessures.

A six heures, le 117e sortit de ses tranchées pour monter à l'assaut des positions ennemies mais, hélas ! comme la semaine précédente la préparation d'artillerie avait été insuffisante et quand nos soldats voulurent sauter dans les tranchées adverses, ils furent de suite arrêtés par les réseaux barbelés restés intacts et derrière lesquels les mitrailleuses allemandes, bien défilées, les fauchaient comme du blé mûr ; l'attaque échoua complètement et force fut de regagner les bases de départ ; nous nous attendions à reprendre l'attaque après une nouvelle préparation lorsque survint l'ordre de suspendre l'opération en raison des pertes subies, ce fut un vif soulagement pour tous car, être engagés dans de pareilles conditions, c'eût été courir à une mort certaine.

Deux jours après le 117e fut relevé par le 115e, mon Bataillon ayant attaqué les 25, 26 et 27 septembre devant Auberive resta en 2e ligne, à 300 mètres environ derrière la 1re ; il n'y faisait pas meilleur, loin de là ! Si les troupes de première ligne avaient une mission de surveillance à remplir, nous, en revanche, nous travaillions depuis la chute du jour jusqu'au matin à creuser tranchées et boyaux de communication ; de plus, nous étions dans la zone la plus bombardée par les obus.

L'endroit où nous nous trouvions offrait un aspect lamentable ; les rares sapins étaient hachés, déchiquetés par la mitraille, au-dessus et dans les trous d'obus ce n'était qu'un enchevêtrement de piquets et de fils de fer tordus, hachés sous la morsure du feu et de l'acier ; ça et là gisaient des cadavres français et allemands qui, n'ayant pu être enterrés à temps dégageaient une odeur pestilentielle ; ce fut notre premier travail : donner une sépulture à tous ces morts. Comme nous les enterrions sur place vu leur état de décomposition avancée, nous avions l'illusion de vivre dans un vaste cimetière. Il arrivait parfois qu'un nouvel obus tombait sur un de ces trous renfermant deux, trois cadavres, suivant sa capacité, et c'était alors la vision macabre de bras, de jambes, et de têtes sautant à quinze mètres en l'air pour retomber avec un bruit mat sur le sol, cela manquait plutôt de charme... Le sol était jonché de débris de toutes sortes : grenades, obus non éclatés, casques troués, képis, musettes, bidons, quarts, gamelles, boîtes de conserves, fusils, baïonnettes, paquets de cartouches, équipements, sacs éventrés laissant échapper un bout de chemise ou des biscuits, épaves sanglantes qui témoignaient de la lutte farouche et sans merci qui s'était déroulée à cet endroit. Tout d'abord, j'en ressentis une sorte de malaise qui, par la suite disparut pour faire place à une complète indifférence, on se blase vite à la guerre, on en voit tellement et de toutes les couleurs...

Le 17, on nous ramena un peu en arrière du bois Raquette, non loin de ces fameux wagons où j'avais vainement cherché mon loustic d'Esnault. La relève, commencée à la tombée de la nuit, fut assez mouvementée. Au début tout marcha à merveille, c'était d'un calme parfait, lorsque, arrivés à moitié chemin les Allemands, ayant sans doute aperçu le mouvement déclenchèrent un tir de barrage suivi aussitôt d'un tir identique de notre part, et ce fut à nouveau l'embrasement général. Pour comble de malchance le fourrier de la Cie qui nous servait de guide se trompa de chemin et nous amena sous le tir de barrage devant un réseau barbelé entièrement neuf. La situation n'était pas rassurante, les obus pleuvaient dru, les hommes criaient après le malheureux fourrier qui ne savait plus de quel côté se tourner, c'était du joli... (deux fois car le fourrier s'appelait justement Joly). Finalement nous réussîmes tant bien que mal à nous frayer un passage à travers ce maudit réseau, non sans y laisser quelques lambeaux de capote, et nous mettre à l'abri dans un vieux boyau en attendant que le bombardement cessât. Par bonheur, nous n'avions eu que deux blessés légers, cela aurait pu avoir des conséquences beaucoup plus graves.

Le 22 enfin, ce fut la relève, la Grande Relève tant désirée ; on devine facilement si nous étions contents, joyeux d'aller prendre un peu de repos à l'arrière, dormir, ô surtout dormir dans de la bonne paille fraîche ! Changer de linge, chose que nous n'avions pas faite depuis 29 jours ce qui avait eu, comme conséquence immédiate, de nous faire envahir par les poux, les “ totos “ comme nous les appellions déjà à cette époque.

La relève se passa cette fois sans incidents mais, instruits par l'expérience nous ne fîmes la première pause qu'après être sortis de la zone dangereuse, nous allions vers l'arrière, c'eût été dommage d'attraper un éclat ! Nous marchâmes toute la nuit et le jour pointait quand nous arrivâmes au bois de la Veuve, à environ 9 kilomètres de Châlons. Nous y restâmes deux jours ce qui nous permit de remettre un peu d'ordre dans nos effets et d'avoir une tenue un peu plus décente pour traverser les différents pays que nous verrions au cours de nos étapes.

Le 24, bien reposés, nous reprîmes la grand'route ; nous traversâmes une partie de la ville de Châlons au petit jour et la vue des civils, des maisons intactes nous procura un réel plaisir, nous reprenions contact avec la civilisation. Nous arrivâmes à Lépine dans l'après-midi où nos cantonnements étaient préparés pour y passer la nuit. J'admirai l'église, appelée Notre-Dame de Lépine, construite dans le style gothique le plus pur. Le lendemain 25, nouveau départ, nous fûmes cantonnés à Fontaine-sur-Coole, petit hameau d'une soixantaine d'habitants où nous ne trouvâmes absolument rien pour nous ravitailler. C'est là que j'appris la mort de mon pauvre ami Raoul Gallais.

Depuis quelque temps j'étais très inquiet à son sujet ; plusieurs de mes cartes étaient restées sans réponse et j'avais appris par mes parents qu'il ne donnait plus de ses nouvelles à sa mère. Ayant appris que le 117e était cantonné dans les environs, je résolus d'en avoir le cœur net. J'eus la chance de trouver à sa compagnie, des soldats ayant pris part aux derniers combats et, à ma question, l'un d'eux me répondit laconiquement : “ Gallais ? Tué le matin du 6 octobre au moment où il sortait de sa tranchée en entraînant sa section à l'assaut. Un obus est arrivé qui l'a tué net d'un éclat au cœur “. Bien que m'y attendant quelque peu, cette triste nouvelle, apprise sans ménagements comme c'est l'habitude entre soldats, me laissa douloureusement atterré ; je pensai à sa mère qui espérait encore là-bas, au pays natal ; je pensai à la mienne qui, peut-être, un jour connaîtrait la même angoisse... Ce fut en roulant de tristes pensées, le cœur serré que je regagnai mon cantonnement. Pauvre Raoul ! Lui que j'avais vu trois mois plus tôt si gai, si confiant ne se doutant guère du malheur qui l'attendait, il reposait désormais au fond de quelque trou d'obus peut-être, n'ayant qu'une toile de tente pour tout linceul et cercueil, au milieu de cette craie champenoise qu'il avait arrosée de son sang. Ah ! la guerre, quelle calamité ! Que de deuils, de misères elle engendrait, et quand finirait-elle ?…

Le lendemain, nouvelle et dernière étape, nous arrivâmes de bonne heure à Changy, où nous devions prendre notre repos. Ce fut d'un pas allègre que, malgré mes 102 kilomètres que nous venlons de parcourir en quatre étapes, nous fimes notre entrée dans le pays, drapeau et musique en tête ; les habitants, sachant que nous sortions de la bataille nous firent un accueil excellent, chose que nous ne trouvions pas partout ; il convient de dire aussi que, bien que beaucoup d'entre nous fussent rasés, nettoyés des pieds à la tête, nous n'avions pas ce qu'on appelle une mine florissante, l'empreinte des souffrances endurées pendant un mois n'était pas encore effacée de nos visages. De plus, les quatre étapes successives que nous venions de parcourir n'avaient guère contribué à nous donner des couleurs. Je me souviens qu'en passant devant une vieille femme, à bonnet blanc, celle-ci s'écria sur un ton de pitié attendrie : “ Mes pauvres enfants, mes pauvres enfants ! ” Et ces simples mots de la brave femme nous firent plus plaisir que n'importe quel compliment.

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Le maître absolu de Breton.

GRAND LUXE

Arbres empaillés des palaces

Prisonniers graciés pour leur bonne conduite

État solide liquide gazeux

Action d'éclat du soleil

Manivelle marchant à la vapeur des prés le matin

Il faut tenir compte de la distance admirable

C'est moi qui fais les premiers pas

Si seulement mes amis n'avaient pas été changés en statues de sel

Espace d'une minute que je parcours à cheval

Villégiatures prochaines

Porches dans le désert ô ces cathédrales qui sont des pyramides de singes

Je crois que

Je brouille les civilisations odeur de propre

Encore un fait divers

Mon Dieu nous ne serons donc jamais

Sacre du poulpe sur le cristal de roche

C'est la broche de Son corsage

Papier d'étain non papier déteint

Comme il y a tablette et papyrus

Idéologie ardente

Beau mollet

Trompette du square.

André Breton et Philippe Souppault in Les champs magnétiques.


































































































































































































































































































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