Alain Tamisier, éducateur: il travaille avec les enfants autistes.











Annie Paulin travaille avec les polyhandicapés. Elle pratique l'écoute par le chant.













Antoine Massanet, infirmier. « La santé publique a fait du patient un client. »















Sujet, verbe, complément.













Michel

« Pas de guerre, des combats de judo avec Francis, on fait des prises, voilà. Je rêve à ma copine, des fois, il rêve des espaces verts, des tondeuses tout ça, je crois qu’on est mariés tout ça, les tracteurs, des fois je rêve des mobylettes aussi. »

C.A.T de l'I.M.E.






























































Alain Tamisier.


















SURRÉALISME, n.m. : Automatisme psychique pur par lequel on se propose d'exprimer, soit verbalement, soit par écrit, soit de toute autre manière, le fonctionnement réel de la pensée. Dictée de la pensée, en l'absence de tout contrôle exercé par la raison, en dehors de toute préoccupation esthétique ou morale.





Retour à l'Hôpital André Breton.Retour en ville.Alain Tamisier.

















































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Retour à l'Hôpital André Breton.

Retour en ville.


...(...)... 20h30 - Arrivés à l'hôpital psychiatrique de Saint-Dizier, terminus. Ces espaces que nous foulons, Breton les a découverts en Juillet 1916, mobilisé aux portes de la Voie Sacrée. Jeune étudiant en médecine à la déclaration de guerre, il est à l'époque indécis quant à son avenir, partagé entre une curiosité scientifique et une vocation poétique vive qui le voie côtoyer les cercles et revues littéraires de l'avant-guere. Aussi, son séjour à Saint-Dizier est-il amplement décrit, commenté et partagé à ses amis, dont le fidèle Fraenckel, et à deux personnalités littéraires qu'il reconnaît, d'un clapet sec et franc qui sera la marque de son jugement, toujours très sûr et fondé, comme ses maîtres : Apollinaire et Valéry. L'un stigmatise le lyrisme enchantant le monde et la poésie comme une affaire de l'oeil et des mots plus que de situation - “Il traînait sur ses pas le lyrisme d'Orphée” - et l'autre, à travers un livre décisif (Monsieur Teste) et une méthode rigoureuse d'élucidation du monde, la majesté d'une pensée en dessinant, dans le geste maîtrisé de l'écriture, la cartographie. La guerre met ce jeune poète attiré par l'hermétisme de Mallarmé et la préciosité de Valéry à l'épreuve de l'embrigadement, de la rigueur militaire et de la contribution à l'effort militaire dans la caserne de Pontivy, source d'apathie, de délassement de soi et d'impuisance poétique qui traversent ses lettres :


“ La pensée s'émiette lamentablement sur le sol du terrain de manoeuvre. Elle a nettement conscience de la vanité de son effort. ” (lettre à Théodore Fraenckel, 22 Avril 1915)


“ A présent, je ne cherche plus qu'un délassement dans tout cela dont je vivais... sans devenir accessoire à ma vie, toutes ces choses me sont devenues comme un peu étrangères. ”

( lettre à Théodore Fraenckel, printemps 1915).

“ Voici que la poésie des choses rencontrées m'échappe, avant que j'aie prévu les causes de mon aveuglement. ”

(lettre à Théodore Fraenckel, printemps 1915).


La lecture frénétique de Rimbaud, dévoré comme on se tourne vers une boussole, qui coïncide avec sa mutation à Nantes en 1915, éclaircit sensiblement le halo de cet exil en terre natale. L'injonction intempestive de modernité, le basculement des formes et motifs classiques vers une poésie de l'oralité oraculaire, l'écriture en prose, l'exploration du quotidien et la révolte comme seule et inexpugnable légitimité s'y affirment. Jacques Vaché, rencontré au même moment, se fera le chantre de la liberté, lui stipulant de nier le cours du monde et ses étraves, d'en disposer aux guises d'un esprit convoquant toutes les ressources de l'imagination, du rêve et de l'incantation pour conjurer ces misérables réalités. Toutes puissances pour mettre à distance l'horreur de la guerre : humour noir, levées ubuesques de toute forme d'irréel appoint, usage invétéré du délire... Sous ces patronages multiples, Breton en vient à Saint-Dizier, muni d'un poème écrit en Février 1916, Âge, sur fond de l'Aube Rimbaldienne, qui commence ainsi :


“ Aude, adieu. Je sors du bois hanté ; j'affronte les routes, croix torrides. ”


Donnant à ses vingt ans une allure de conquête et d'épopée, cet incipit poétique fut la matière d'un atelier d'écriture mené avec des femmes de Saint-Dizier dont certains textes sont exposés. Recopiés à la main sur une affiche faisant apparaître le calque Rimbaldien et la version de Breton, ils s'étalent dans les couloirs d'une aile désaffectée de l'hôpital psychiatrique. Continuité d'un virage, d'un défi et d'un espoir accordés au monde, ils attestent du pouvoir d'aimantation de ces quelques mots de Breton qui - écluse intemporelle ? - libèrent des sources brûlantes, fiévreuses et convulsives. Ils ouvrent le chemin vers ces chambres d'hôpital consacrées aux maîtres de Breton : Apollinaire, Valéry, Rimbaud et Vaché. Dans cette galerie des pères, Freud occupe incontestablement la place du détonateur : Breton découvre sa pensée, dans un ouvrage introductif (La psycho-analyse, des Drs Régis et Hesnard) qui, même s'il la vulgarise et réduit, lui permet d'y percevoir la révolution à l'oeuvre : l'existence d'une vie inconsciente, traversant et ordonnant la vie consciente. Deux conséquences seront décisives : une instance inconsciente dirige le monde de la conscience - tout peut être repensé à son unisson : son époque et ce qu'elle véhicule, nationalisme, boucherie sanguinaire et rationalisme étriqué, ne sont que la préhistoire de l'esprit humain - et l'écoute, l'interprétation des rêves en sont les seules et premières voies d'approche. L'écriture automatique naîtra dans ce sillage peu après mais à Saint-Dizier, Breton prend des décisions capitales :


“ Rien ne me frappe tant que les interprétations de ces fous... Mon sort est, instinctivement, de soumettre l'artiste à une épreuve analogue. De pareil examen, je doute que Rimbaud sorte indemne et je regarde avec effroi ce qui va sombrer de moi avec lui ” écrit-il à Apollinaire le 15 Août 1916.


Cela prépare ces grands mouvements du Manifeste du Surréalisme où se retrouvent, presque entiers, des passages de La psychoanalyse:

“Je résolus d'obtenir de moi ce qu'on cherche à obtenir d'eux (les malades mentaux), soit un monologue de débit aussi rapide que possible l'esprit critique du sujet ne fasse porter aucun jugement, qui ne s'embarrasse ensuite d'aucune réticence et qui soit, aussi exactement que possible, la pensée parlée.”


Le surréalisme né à Saint-Dizier du croisement de ces multiples influences et de la découverte de l'inconscient, voilà qui a de quoi remuer cette vieille mythologie qui le condamne d'avance en le faisant naître du dadaïsme et d'une bande de jeunes bourgeois dans la candeur de l'après-guerre. Sujet atteste de cela, poème écrit à la suite de l'écoute d'un malade :


“ J'ai rencontré entre ces murs un personnage dont le souvenir ne s'est plus jamais effacé. Il s'agit d'un homme jeune, cultivé…” (Introduction au discours sur le peu de réalité)


D'emblée, la position de Breton et plus tard du surréalisme à l'égard de la folie - “vive curiosité et grand respect pour ce qu'il est convenu d'appeler les égarements de l'esprit humain” - s'oppose à la psychiatrie de l'époque, ses pratiques d'enfermement systématiques, la constitution de ces bagnes où sont amassés, dans des conditions de vie épouvantables et la garantie de ne jamais en sortir, toutes sortes de personnes pour lesquelles l'internement n'était ni la plus justifiée ni la plus efficace des méthodes : Nadja témoignera du mouvement insurrectionnel de Breton. L'histoire rendra justice à ces jugements sûrs et précoces puisque dès l'après-guerre et sous l'influence du Dr. Bonnafé, s'opère la désinstitutionalisation de l'hôpital : diminution du nombre de patients, ouverture de l'institution vers l'extérieur, multiplication des alternatives à l'enfermement (appartements collectifs, placements familiaux, structuration d'activités dans l'enceinte de l'hôpital. Cette évolution s'est arrachée et gagnée à Saint-Dizier sous l'égide du Docteur Mori, actuel médecin-chef de l'hôpital, qui a su constituer une équipe d'infirmiers, de surveillants et de médecins conscients de la nécessité de la réforme de l'hôpital et de replacer le sujet malade dans une réalité sociale qui l'aidera à se constituer comme sujet. Cette histoire est le dernier volet de l'exposition : au second étage, dans chaque chambre désormais vide - signe tangible du changement - prennent place ces autres paysages de l'écoute qui ont forcé la marche du pachyderme institutionnel en allant de l'intérieur contre sa marche naturelle : livres, vidéos, objets et documents divers restituent la présence et l'action de cette équipe soignante...(...)...