Sous la direction du Docteur Chaussinant, un jardin d'acclimatation fut construit avec l'aide des patients de l'hôpital psychiatrique. Il s'appelait et s'appelle encore la Marina.
Sujet verbe, complément.
Marianne « Le rêve, on rêve des trucs, quon je sais plus, non, jvois des , on était parti en ballade et puis on voyait des gens, et puis après, on est revenu après, où je sais plus, » C.A.T de l'I.M.E.
Complément
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... (...)... 18 heures - Sous le porche qui garde le lycée, les bâtiments ordonnés qui se tiennent devant nous, ces arbustes rigoureusement taillés, le gravier qui ne vit que de nos pas improbables, les colonnes qui structurent un parc à la française dans le crépuscule qui détale, rien, plus rien de tout cela n'existe. Seule demeure la nuit, adventice d'un passage. Le monde et ses apôtres, orthodoxies et immanences, en fuite, en suspens. Breton, l'appel d'air d'une poésie où la vérité du monde se joue dans la dictée de l'inconscient, la fièvre nationaliste et ses hémorragies, tout cela nous étreint comme un fardeau inexorable qu'il nous faudra traîner jusqu'au dénouement du dispositif. Ebranlés et embarqués, ramenés à nos sièges d'autobus. Verbe
Peut-être enfin disponibles à ce flux vocal qui signe le voyage, prêts à lui accorder une écoute glissant vers l'imaginaire, guidés par ces paroles sybillines, épiphanies d'un présent putrescent. Ne pas reconstituer les matrices d'une perception quotidienne en cherchant derrière ces silences, soupirs et autres vacillements la forme d'un visage et le récif d'une vie mais se laisser gagner par ce qu'elle cachent, dévoilent ou exhibent de mystérieux, d'incongru ou d'inopiné. Ces réponses (celles d'usagers de l'IME et du CAT du Bois LAbbesse que nous allons visiter) matérialisent l'irréel - rêvent de discuter avec des anges, installés devant une cheminée crépitante ou voir sortir un arbre du coeur - ou le ramènent, ce réel si éprouvé qu'il s'est nommé quotidien, au faîte de l'existence : revenir chez soi, attestant d'une confusion si belle qu'on la souhaiterait mieux partagée. Reccueillis dans l'invisibilité de l'écoute, quelques événements - lueurs fugitives, voitures qui filent au-delà de nos vitres - rappellent notre état nomade. Cette ville dont on sillonne les rues, aperçoit, traverse ou contourne les lieux de vie, certains bars encore ouverts et tant de rues vides, quelques habitants parsemés sur ce bitume flottant et froid défient la vacance des lieux, toute vie réduite ou retirée en des sources à nous inaccessibles. Seule la valse des lampadaires, fidèle et perfide lumignon, accompagne notre écoute. Tant de carrefours empruntés, de ponts enjambés et de fleuves ou voies fluviales franchis, quelle limite touchons-nous ? Autour d'un centre nous gravitons, toujours le même, usant ses cornes, chaque fois plus près et toujours si distant, en roue libre malgré la célérité de nos perceptions : qu'est-il ? Qu'est-ce qui défile sur ces interstices pour mieux se retrancher et malgré tout apparaître dans le truchement des [voi]. Quelle odyssée se profile : pérégrination, pélerinage, croisade?
Le retrait de ces êtres en voix laisse un silence qui n'est ni répit ni respir ; nous sommes en route. Seul le terme nous en est dérobé et l'écoute, d'active tension devient le sujet qui nous aimante.
Force de l'écoute. Dans ces lieux modernes de l'hospitalité, d'accueil et de soin des personnes handicapées, l'écoute est la voûte de l'espoir, la source d'où une thérapie, des soins médicaux et une aide humaine reçoivent la possibilité de leur efficacité. Aussi, notre entrée dans ces complexes froids, à l'écart de la ville, se fera sous le signe de la traversée des écoutes, chaque espace donnant à voir une position et une construction singulières de l'écoute. Dispositifs rares, peu visibles de l'extérieur, nés d'une réflexion confrontée quotidiennement, dans ses meurtrissures, à la nécessité d'amoindrir la souffrance. S'y déploie un spectre d'actions visant, par le jeu, l'art ou le sport, à faire jaillir la parole, principe et possibilité de l'inclusion sociale. Ainsi, à l'Institut Médico-Educatif, un dispositif, accueillant cinq enfants autistes, essaie, contre les thèses de Bettelheim, de les mettre en route vers un comportement social. Il regroupe un espace collectif, la possibilité du jeu (une trentaine de jeux sont disponibles, tous inventés par l'éducateur et à portée de réussite de ces adolescents) et une structuration de la journée en diverses activités ainsi que le lieu de la réclusion solitaire (une tente) qu'ils peuvent rejoindre lorsque l'état de société devient trop pesant : lieu physique du repli pour accompagner lexode mentale. L'île aux enfants, salle pour de jeunes polyhandicapés, présente une forme d'aménagement qui évite les conséquences tragiques de l'habitat classique (les malades y étaient ficelés en permanence) : tout est installé au sol, ce qui leur permet de développer une motricité et une mobilité perdues. Vide et nu, l'espace n'en dévoile pas moins l'empreinte de ses augures. Ces coussins disposés au centre de la pièce, si rangés et nettement agencés les uns aux autres, d'où naissent avec la plus grande certitude une table, un lit, un banc rendent encore plus criants le vide de ces espaces et le désir corollaire d'être comme le spectateur invisible, le témoin enorgueilli de ces prodiges, proche de ces enfants retrouvant, recouvrant ou découvrant les facultés d'un corps mutilé, miracle qui s'éprouve dans la fragilité d'un a-venir ou d'un ad-venu chancelant. Plus loin, les retrouvailles d'un éducateur et de ses patients se chantent, instaurant le temps de la réalité sociale : le dehors de la parole tel l'orée du dialogue. Ici enfin, dans cet espace consacré aux activités plastiques, sont exposées les photos des enfants, éclatants de rires et de joie, lors des sorties collectives. Au mur, parmi le florilège de dessins exposés, une femme espiègle, rieuse malgré les larmes qui glissent sur ses joues, voit les couleurs se déplier au diapason de son visage, formes complexes qui dessinent le relief d'une figure. En face, un enchevêtrement précis et gras de lignes, torsades qui se croisent dans la possibilité de la ramification, de la jouxte ou de l'issue, secoue l'équilibre de la page, y apposant le sursaut de la ligne droite ou la zone de l'épanchement. Secousses et convulsions.
Sortis, en marche vers le Centre d'Aide au Travail, tandis que quelques pas et murmures résonnent au milieu de ces territoires endormis, l'enjeu de cette visite s'éclaircit : voir où, comment, l'écoute est rendue possible et agissante? Il nous reçoit dans l'imprévisibilité de ce qui n'est pas encore venu, ni espéré, esquissé ici comme centre de production de pièces de bois (caisses, assemblages divers). Destiné à des adultes jugés inaptes à l'exercice d'une liberté civile, il consacre l'absolue nécessité du travail, érigé au rang de bien collectif. Magnificence du partage d'une activité qui voit sa valeur marchande délaissée dans ces communautés du dehors : une population enclose, assignée à une fonction précise et un territoire géographique qui nie une société qui ne lui reconnaît qu'une procuration d'existence et l'exclut, fondée sur l'anti-partage nommé concurrence et libéralisme économique, et ne leur reconnaît qu'une procuration d'existence. Le ton de la légende et le souffle de l'épopée seraient légitimes si cette expérience ne s'imposait pas comme une parabole du renversement, potentiel schème conducteur, susceptible d'une propagation généralisée. Là, dans l'apprentissage et le respect des règles de sécurité, la division de l'unité de production en plusieurs ateliers aux fonctions distinctes et l'entraînement de chacun à la répétition réussie de quelques gestes synchronisés, demeure une noblesse plurielle du travail : fierté de contribuer à l'avènement de chaque objet produit, insertion de soi dans un dispositif collectif et productif forçant les portes de la société civile et de la rémunération, liberté pas tant matérielle qu'émancipation symbolique. Voilà ce qui triomphe du repos de ces lieux - entassements de bois, machines arrêtées - et de l'agitation frénétique, l'envolée fière et sérieuse de ce jeune usager du centre qui nous détaille les postes de travail et les fonctions de production, intarissable sur les codes de sécurité et la monstration des objets réalisés. Ces pièces archaïques, patrons simples que chacun peut reproduire ou défaire, littéralement à la portée de tous, pièces parmi tant d'autres d'une société fondée sur leur multiplication et leur spécialisation progressives, deviennent l'emblème d'une existence qui reprend cours et d'un esprit qui sait jouir de la fabrication du rudiment nécessaire. Disabled dit l'anglais de ces êtres : capables d'autres pouvoirs, notamment de celui de jouir de tout rameau de l'existence. La démocratie, pensait Rousseau, est l'apanage des petits états ; faudra-t-il affirmer, après l'éclat des sciures de Bois L'Abbesse, que le travail ne devient une valeur de respect, n'instituant une communauté que dans sa réclusion séculière et son autonomie relative ? Le partage comme horizon et frontière du travail, la préséance du devenir collectif sur la valeur économique de chacun, cela indique-t-il hors de la révolte Nietzschéenne des esclaves, l'émergence d'une voie ? Majesté de l'atrophie, faire advenir l'inespéré, c'est-à-dire le partage comme réalité ? Si toute communauté est la projection de ses valeurs, celle-ci respire la fraternité et la solidarité d'un peuple égaré. Où ? Dans une époque ou l'usage qu'il sait faire de lui-même ? La raison, principe d'égarement disait Fourier. La figure tutélaire que se reconnaissent volontiers les éducateurs de ce centre, c'est-à-dire les catalyseurs de ces lieux, Fernand Deligny, illustre cet exil d'une pensée cherchant dans le débordement des normes et l'assaut des formes de l'ailleurs les conditions pratiques de l'essai et accorde à ces errances le pouvoir décisif de l'avancée.
Longeant les couloirs qui bordent d'autres ateliers, nous voici parvenus au coeur du dispositif de l'écoute : si elle apparaît dogmatiquement comme une nécessité manifeste dans l'histoire de la psychiatrie, elle est le fruit individuel de parcours, d'itinéraires, de lectures et de confrontations qui l'édifient peu à peu. Ces paysages qui tendent et façonnent l'écoute se dévoilent ici, dans la réunion de leurs aveux et de l'exposition de leurs sources : livres, objets et témoignages filmés de chacun des animateurs rendent actives et lisibles des préoccupations et dynamiques des soignants. Vingt personnes irriguant une salle d'hôpital d'un vécu collectif, presque organique, qui s'expose en quelques rainures saillantes, soit la complexité plurielle d'une équipe en travail et l'extrême fragilité de ces états d'offrande, ces matrices du don, quotidiennement engagées, récompensées de quelques joies distillées au compte-goutte, interprétation d'évolutions constatées, jamais définitives ni acquises, instruites à quelques personnes, restreintes à un hôpital situé aux marges d'une ville de province. Solitude, solitude de l'ange.
Dans un coin, un peuple de figurines fabriquées par un usager et représentant chacun des animateurs, un film captant le bouillonnement et l'énergie qui habitent le quotidien de ces espaces, l'image fugitive d'un adolescent s'appuyant sur le vent pour en éprouver le vertige et le délice de son corps en danse, un autre retrouvant dans le geste de la peinture l'articulation magique du cri, la cacophonie née des sons multiples qui croisent cette pièce et les tournoiements, circulations de ces passants étranges et inhabituels que nous sommes, tout cela compose une toile mouvante et profuse où s'affirme unanimement le souci de l'autre, ses extases, ses abîmes et ses élégies ...(...)...
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Sujet
Yeux zinzolins de la petite Babylonienne trop blanche Au nombril sertissant une pierre de même couleur Quand s'ouvre comme une croisée sur un jardin nocturne La main de Jacqueline X Que vous êtes pernicieux au fond de cette main Yeux d'outre-temps à jamais humides fleur qui pourriez vous appeler la réticence du prophète C'est en fait du présent du passé de l'avenir Je chante la lumière unique de la coïncidence La joie de mêtre penché sur la grande rosace du glacier supérieur Les infiltrations merveilleuses dont on s'aperçoit un beau jour qu'elles ont fait un cornet du plancher La portée des incidents étranges mais insignifiants à première vue et leur don d'appopriation finale vertigineuse à moi-même Je chante votre horizon fatal Vous qui clignez imperceptiblement dans la main de mon amour Entre le rideau de vie et le rideau de coeur Yeux zinzolins Y Z De l'alphabet secret de la toute-nécessité. Extrait de L'air de l'eau. André Breton.
Geoffrey Un rêve, c'est un cauchemar, des grosses bestioles qui tuent avec leur langue, j'ai regardé un film d'horreur hier soir. Les combats, c'est Mortall Kombat, ils se battent, ils se tuent entre eux, et puis c'est tout. C.A.T de l'I.M.E.
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