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Un apartheid à la française
On s'aperçoit et c'est le constat terrible du premier travail, qu'il existe là une sorte d'apartheid à la française. Il y a là une cité nouvelle qui accueille un nombre très important de travailleurs algériens venus pour des motifs de travail : les parents ont travaillé toute leur vie dans ces usines et leurs enfants, qui sont de nationalité française, ne trouvent pas de travail dans la région. C'est-à-dire qu'à l'intérieur des usines, des forges, les Français des différents villages ou de Saint-Dizier s'organisent, se cooptent pour s'embaucher dans ces usines. Ce n'est même pas le patron ou le contre-maître qui a besoin de faire une sélection quelconque : à l'intérieur de chaque atelier, chacun s'organise pour faire recruter quelqu'un de sa famille. En l'espace de quinze ans, il y a eu une véritable épuration dans les usines de Saint-Dizier. Là où habituellement les travaux les plus durs étaient assumés par des travailleurs d'origine maghrébine ou africaine, ce sont maintenant des Français patronymiques qui occupent ces postes, pas des Français de nationalité. Le débat ne porte donc pas sur le fait d'être français puisque tout le monde l'est mais sur le nom ou l'origine que l'on véhicule. Cette exclusion est telle que des lycéens d'un lycée technique du Vert-Bois qui ont le droit, le droit républicain, à faire des stages en entreprise pour compléter leur formation, n'ont pas réussi à trouver une place en entreprise pendant plusieurs années de suite parce qu'ils portaient des noms d'origine maghrébine alors qu'ils étaient français. Ironie totale, ils ont dû organiser des stages en entreprise à lintérieur du lycée avec leurs professeurs. Cette coupure est vécue réellement au quotidien par les habitants de la ville. Par exemple, les enfants du Vert-Bois, jusqu'à douze-treize ans, ne sortaient jamais du Vert-Bois. Ce n'est qu'avec un peu d'argent de poche qu'ils accédaient un peu à la consommation, qu'ils gagnaient une plus grande autonomie dans le déplacement, qu'ils rentraient dans le centre de Saint-Dizier. Chacun vivait de son côté ; jusqu'à peu, il n'y avait qu'un seul employé d'origine maghrébine dans le centre-ville.
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Un parcours reliant les quartiers. |