Breton a vingt ans. Il veut être poète. Il écrit à Guillaume Apollinaire qui lui répond.




SUJET, VERBE, COMPLEMENT.


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Réglements


Epingles rougies

Sommeil soucieux des pères de famille

Table des valeurs sucrées

La pêche des raisonnements est en solde

Police des sexes

Papier vol mouchoir sanglant

Occupationbs académiques la brebis court dans les palaces

Couche des miroirs

Astres républicains

Ma langue animal des riches bourgeois désoeuvrés

Soupirs des mères heureuses


(extrait des Champs magnétiques, André Breton, Philippe Souppault ).



Bernard

“Un rêve que je fais souvent : je suis dans un car qui nous emmène en vacances, on s’arrête un peu pour prendre l’air, pour fumer une cigarette, puis on arrive au lieu où qu’on doit aller, l’air pur n’est pas pareil.

Je suis en guerre avec un de mes copains, sans arrêt, c’est les insultes, j’ai beau le dire au chef ; il me dit faut pas y faire attention, il est pas bien, mais des moments, je me retiens, j’lui foutrais bien un coup dedans, qu’est ce qui faut : faut pas le faire. ”

C.A.T de l'I.M.E.


Notes : Ce texte a été publié pour la première fois dans la revue Nord-Sud, n°14, avril 1918, avec une dédicace à Jean Paulhan. Il a été repris dans l’édition de 1970 du recueil André Breton, Essais et témoignages.

Il semble que ce soit au printemps de 1918 que Breton ait fait la connaissance de Paulhan qui lui écrit après la publication de Sujet : “J’ai été surpris de trouver Sujet aussi court, une fois imprimé ; vraiment il me semblait s’agrandir et s’enfuir dans tous les sens. [...] C’est une chose assez troublante qu’une œuvre qui n’est pas tout à fait “œuvre écrite” - quand elle bouge encore.” Mais Breton regarde son texte d’un œil plus critique puisque le 18 juin il écrit à son dédicataire : “ J’ai perdu pour moi toute complaisance. Je ne vous dédierais plus, aujourd’hui, ce Sujet.”

Une observation réelle, pratiquée sur un malade au Centre neuro-psychiatrique de Saint-Dizier, est à la source de cette page ; à deux reprises dans la suite de son œuvre Breton évoquera ce “fou qui ne croyait pas à la guerre” et dont il reconstruit ici le soliloque : en 1929, dans la préface à l’exposition Delbrouck et Defize devenue dans Point du jour (1934) “Exposition X... Y...”, et en 1952 dans le deuxième des Entretiens.

Le texte ne saurait être de beaucoup antérieur à l’automne de 1916. Il reflète l’intérêt de Breton pour l’observation des malades mentaux à laquelle il se livre de façon soutenue durant l’été et l’automne de 1916 à Saint-Dizier, où il avait été versé sur sa demande ; il envisage alors sérieusement une carrière de médecin psychiatre, ce qui prend pour lui le sens d’un adieu à la poésie, et il essaie d’entraîner Théodore Fraenkel dans cette voie.

Il propose même à Valéry de faire pour son compte des observations et demande un “plan d’enquêtes”. La réponse de Valéry dans les tout derniers jours d’août 1916 (Breton, la copie pour Fraenkel le 3 septembre) est peut-être à l’origine de Sujet et commande vraisemblablement son titre : “[...] je suis très enchanté de lire que vous prenez du goût à vos détraqués. J’ai passé des heures en province il y a 22 ans à fréquenter la démence de l’endroit. Même j’ai pris ce qu’on appelle des notes, fait des croquis . [...] Je suis très touché de votre proposition. Elle demande ensuite qu’on y pense. [...] Mes amitiés, Breton, et si vous m’en croyez, regardez bien vos sujets et, dans un loisir réservé quotidien, notez aussi nettement que possible les curiosités du jour.”

Sujet envoyé à Valéry le 7 mai 1918, provoque ce commentaire : “Savez-vous que cette espèce de prose m’a fort intéressé ? Quelques procédés rimbaldiques, peut-être certaines longueurs alourdissent ou désaxent ce monologue du poilu mental. Essayez de ne plus trop penser au grand Arthur. Il suffit d’y avoir pensé. Mais au travail il ne faut penser qu’à son affaire. Enlevez ce qui concerne les torpilles. Ce morceau vaut d’être repris. c’est un homme qui parle tout seul, à demi-voix, et tient des propos ni pour quelqu’un ni pour soi-même... À quand ce prosateur ?”

Les critiques de Valéry, auxquelles Breton était extrêmement attentif, expliquent peut-être qu’il n’ait repris nulle part ce texte dont l’importance est pourtant évidente et qui avait plu à Reverdy. Ce dernier le considérait comme un poème. C’est, semble-t-il, à propos de Sujet qu’il lui écrit le 8 avril 1918 : “Votre poème me plaît et paraîtra dans Nord-Sud qui paraîtra aussi à la fin du mois j’espère. [...] Je crois que l’orientation qui se dessine dans votre dernier poème serait heureuse et donnerait de bons fruits. Votre talent trouvera mieux par là sa libre discipline.”







Sujet : naissance et destin d'un poème.

Sujet

Premier texte en prose qu’ait publié Breton, Sujet est le texte central du passage du poète à Saint-Dizier.

À Jean Paulhan

Puissé-je, avec l’aide de Dieu, m’aguerrir un jour. On me met en si méchante posture depuis des mois ! Se peut-il que le maintien d’un homme usurpe l’attention universelle ? Apte au plus grand dévouement social, j’étais certes désigné au choix de l’expérimentateur. Encore aujourd’hui, que l’on m’en persuade, je ferai peut-être au genre humain le sacrifice de ma raison. Mais j’ignore le but de votre manœuvre. Rien ne vous coûte apparemment pour réussir. Je ne compte plus, à l’échelle de vos mises en scène.

La guerre, annoncez-vous, tandis qu’à faire illusion se disposent les placards officiels et l’appel des trains. Comme à des simulacres d’adieux se bornent les figurants des gares, dès que je boude la représentation je gage qu’ils réintègrent leurs foyers. Cette émulation de commande : un procès retentissant n’eut pas lieu - Jaurès m’apparaîtrait sans que j’aille le prendre pour son sceptre. Il est bien question de péril pour Paris. Sourd dès qu’on veut me le faire entendre à demi-mot je dois stupéfier par mon calme. Les grands quotidiens semblent pressés d’obtenir que je me donne de tout cœur. Il faut voir comme, perdant toute mesure, leurs communiqués s’ingénient à éveiller ma passion.

Héros, miracle, ils essaient maintenant le pouvoir des mots magiques. Cela mérite-t-il mieux que le couplet des réfugiés. Je me plains que vous exigiez sans plus de formes mes actions de grâces. Un rare discernement me fait sensible à toutes vos fautes. Autrement, je fléchis sous le joug : dès qu’au premier coup de tête on parle de répression sanglante. Une mélancolie me vient d’être l’Isolé sans Bagages et sans Chevaux. De quoi servirait mon refus. Explorant la zone dite meurtrière, je me fais un jeu de rendre l’imposture flagrante.

La mort est un trop piètre épouvantail pour que je me résigne à la nuit des abris. Je dépasse de la tête au moins ces créneaux. “Volontaire pour toutes les missions périlleuses” aux termes de ma citation, je donne à bon compte le spectacle d’une bravoure exemplaire.

On se tient décidément pour satisfait. J’ai droit à quelque détente. N’ai-je montré par un consentement total, on put croire, au sacrifice de ma vie, à quel point j’étais civilisé ? Ce 21 août, par un bombardement inouï, c’est à dessein que je me suis fait apercevoir en terrain découvert, dirigeant du doigt les obus qui passaient. Que les torpilles aussi étaient charmantes. Je les écartais bien ; elles rafraîchissaient l’air jusqu’à vendre, un peu plus, ces jolies dames qui accourent en les tenant : “La Brise 1917”. Étourdi par les tziganes, perdu entre les rampes, un valseur parfois tombait, portant la main à sa rose vermeille. À force d’art, on m’a maintenu tout ce temps sous l’empire du sublime. Sans que l’appareil de mort ait réussi à m’en imposer comme on a cru. J’ai enjambé, c’est vrai, des cadavres. On en pourvoit les salles de dissection. Encore un bon nombre d’entre eux pouvaient-ils être en cire. La plupart des “blessés” avaient l’air content. Quant à l’illusion de sang versé, elle a part jusqu’en province dans la fortune des pièces de Dumas. Le pansement ne pare-t-il du reste à toute indiscrétion ? Mon fourrier, porteur au visage d’une grande ecchymose, pouvait avoir reçu un coup de poing. Que coûte-t-il de faire disparaître peu à peu une compagnie ?





















































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