Le temps d’une ville (suite)

( par Michel Seonnet )

Et j’ai vu beaucoup de douleurs. J’ai vu la douleur de mères qui ne comprennent plus le destin de leurs enfants et qui accusent comme elles peuvent : tout, le vent, l’époque, la liberté, le sort, le travail qui se passe des hommes.


J’ai vu l’incompréhension des pères qui ont du mal à imaginer le père qu’ils auraient dû être et qui ragent de ne pas avoir su ressembler au père qu’ils ont eux-mêmes subi.


J’ai vu des gosses abandonnés à la détestation de tout ce qui les entoure - avec la rage dans les yeux, la haine, pas la révolte, avec l’envie aussi, des gosses entièrement séduits par les valeurs d’un monde qui ne sait des valeurs que celles que l’on monnaie.


J’ai vu dans les regards l’envie de se passer du reste du monde, de rester seuls, entre nous, entre gens tous pareils.


J’ai vu l’envie de mettre le feu - et ceux qui déjà faisaient les comptes du profit qu’ils en tireraient.


J’ai vu la déroute des gosses qui ont fini par se persuader qu’apprendre ne servira à rien.


J’ai vu la peur.


J’ai vu la fatigue.


J’ai vu ceux qu’on avait mis hors jeu ne pas comprendre pourquoi on leur reprochait de ne pas jouer le jeu.


J’ai vu ceux à qui on tendait la main cracher dessus de peur de se perdre dans le monde une fois qu’ils seraient sortis de leur trou.


J’ai vu ceux qui essayaient de faire face, abandonnés en pleine tempête par ceux qui les avaient persuadés d’aller de l’avant.


J’ai vu la lassitude de ceux qui avaient entrepris et qui n’en avaient plus courage.


J’ai vu des lâches exciter des coléreux.


J’ai vu des héros de l’infime ramasser des papiers dans les cages d’escalier.


Et quand j’ai demandé :

- L’espérance pour vous, c’est quoi ?

certains ont menacé de me casser la figure parce que c’était un mot imprononçable pour eux. Ils disaient que j’étais payé pour leur faire avaler ce mot, le leur vendre, que ce mot, s’ils l’acceptaient, finirait par les étouffer, et comme ça ils fermeraient leur gueule.


Ils disaient qu’ils avaient plus à gagner à mettre le feu à des voitures.


Et d’autres alignaient un à un les chiffres de la misère - les loyers impayés, l’attente du R.M.I, les chômeurs fins de droit, les grilles des usines qui se ferment pour ceux qui n’ont pas la bonne couleur de peau, ou des noms étrangers au “terroir”.


Et le ton est monté.


On m’a dit : Raconte ce qui est arrivé.

Et c’était une histoires où des policiers se comportaient mal.


On m’a dit : Raconte encore.

Et c’était une histoire où des jeunes attaquaient une vieille femme.


C’étaient des histoires pour ne pas dormir.


Au pied du bâtiment 52, bien des soirs nous avons discuté avec ceux qui tiennent les murs.


On n’arrive pas à se projeter dans le futur, dit l’un.


Il faudrait s’organiser, mais personne ne veut se mettre en avant, dit un autre.


Chacun sa peau, conclut un troisième.


C’est ce qu’ils disent. Ce qu’ils croient.

Le futur n’est pas pour eux.

Il faudrait...




... hurler au milieu de tout cela.







Pour commencer.





Le père de Cédric.

Bâtiment 60.

Le père de Viviane.

La Marne.

Ne prenez pas ça pour du malheur mais pour un succès. Le Plan Masse.

Le Père de David.









Que nous faut-il pour comprendre?

L'espérance malgré tout.

Retour en ville. Le Plan Masse.Celui qui n' pas voulu rester.L'espérance malgré tout.
L'espérance malgré tout.

Retour en ville.