Le temps d’une ville

Donc, une fois encore, j’entre dans une ville que je ne connais pas. Avec pour seule raison d’y écrire avec d’autres que je ne connais pas non plus. Partage d’écriture. Comme autrefois ces artistes itinérants - peintres, sculpteurs - qui venaient se mettre au service des églises trop pauvres, trop à l’écart, pour avoir à demeure leurs propres faiseurs d’art. Mais au service de quoi, aujourd’hui ? D’un sens de l’homme dans sa ville ? De ce que l’on appelle habituellement “citoyenneté” ? Ou de quelque chose d’un autre ordre (comme autrefois : ordres croisés du ciel et de la terre) mais devant lequel celui qui est venu ici grâce aux bons soins de l’Etat et des collectivités locales devrait se faire discret ?


On peut aussi imaginer. Comme les vitriers d’autrefois, je serais entré dans la ville le cadre dans le dos avec le verre et les outils, et le cri de rue en rue, l’appel jusqu’à ce que des fenêtres s’ouvrent : “Ecrivain ! Ecrivain !...”


Ou bien, sur les marchés, j’aurais dressé un étalage entre les fruits et légumes et les robes légères, avec sur le plateau seulement des feuilles blanches et des crayons.

Pendant plus d’un an, je viens dans cette ville qui a du mal à trouver ses mots.


Visages des élèves de quatrième T du Collège de La Noue.

Visages de ces femmes venues d’autres pays et qui apprennent à lire et à écrire dans les locaux de l’AHMI (Association Haut-Marnais-pour-les-Immigrés).

Visages des jeunes du bâtiment 60.

Visages du groupe dit des “sans-point-commun-sinon-l’envie-d’écrire” qui se réunit à la M.J.C.

C’est en partie à travers eux que je découvre la ville.


Je leur demande :

“Que faut-il pour faire une ville ?”


Les élèves de quatrième T du Collège de La Noue ont répondu les premiers.


Ils ont dit :


Pour faire une ville comme Saint-Dizier il faut

un pêcheur

un menuisier

un pompier

deux boulangers

quatre chauffeurs-routiers

un cuisinier

un carrossier

un garçon qui fait du skate

un barman

un mécanicien d’automobile

un mécanicien de maintenance

une toiletteuse de chiens

un prêtre


Une fois la liste dressée, il n’y avait plus qu’à aller sur place.

Pour voir. Entendre. Sentir.

Une ville qui parle aux sens.

Michel Seonnet.

Trois fois Amen.A nos pères! Ah! Nos pères!Retour en ville.une ville qui parle aux sens.


Une ville qui parle aux sens.

Retour en ville.

Un Apartheid à la Française.

Le temps d'une ville.

Sur le toit de la MJC.Bâtiment 60.

La Marne.

Que nous faut-il pour comprendre?










Le père de Josette.