Que nous faut-il pour comprendre?

Les jeunes des quartiers ne sont pas les seuls exclus de la société. Dire que les gens des quartiers sont souvent les plus défavorisés porte une certaine vérité, mais n’oublions pas qu’il en existe d’autres et c’est cela qui nous perd dans nos raisonnements et nos comportements et qui profite surtout aux politiques qui ont besoin de cette division pour mieux régner.


Nous demandons à être respectés en tant qu’individus et d’avoir les mêmes droits qu’un français. Ceci est tout à fait normal, et il est vrai que cela ne nous est pas accordé. Mais n’oublions pas que nous avons des devoirs, pas pour faire plaisir au protocole politicien mais parce que les humains doivent tout faire pour vivre ensemble.

Nous subissons souvent l’injustice, parfois du racisme, ce qui nous fait très mal, nous perturbe, nous fait perdre confiance en nous. Ensuite on se renferme, et ça nous rend agressif, nous révolte, parce qu’on nous a volé notre enfance. On échoue dans le sport ou nos études pour la simple raison que notre peau est un peu plus foncée que la leur.

Il est vrai que nous avons vécu beaucoup d’injustices, avec surtout beaucoup de mépris envers nos parents et nous mêmes et tout ceci est très injuste. Mais il faut tout de même voir le mauvais côté de notre comportement. Dans sa révolte, il est tout à fait normal. Même si je ne comprends pas la démarche de cette révolte.

Comment des gens comme nous qui avons vécu tant d’injustices, tant d’inégalités, pouvons-nous nous comporter de la même façon que ceux qui nous l’ont fait ou nous le font encore subir ? En voyant cela il est évident que nous les imitons, alors je suis au regret de dire que nous sommes identiques à eux puisque nous les imitons. N’est-ce pas là une très grosse erreur ? On devient l’enfant battu qui, à son tour, devenu père, battra ses enfants. Cette conduite de notre part est pire que celle de ceux qui nous l’ont fait subir puisque nous connaissons cette douleur insupportable que nous infligeons aux gens. Nous devenons monstrueux, ce qui n’est pas normal. Au contraire, nous devrions être les plus sensibles à la douleur, à la souffrance des gens, puisque nous connaissons ses effets.

C’est pour cela que je vous dis que les exclus sont de partout et que surtout ce n’est pas du tout une histoire de race, de religion, ou même d’argent - même si ce dernier argument peut vous faire sourire.

Soyez juste, et réfléchissez par vous-mêmes. Pas par votre nationalité ou votre religion. Mais en tant qu’être humain.

Toute injustice causée est indigne d’une personne humaine.


Les gens au chômage, au R.M.I ou qui ont des situations précaires ont les mêmes problèmes, les mêmes soucis. Plutôt que de se concentrer, monter une grève ou une association pour la dignité de l’humain ou même un parti pour les représenter, ce qui leur permettrait d’avoir une force pour mieux faire entendre leur inquiétude à l’avenir et leur droit à vivre décemment, et bien non, là encore ils se divisent.

La division amène tous les mauvais côtés, les agressions, la délinquance, le racisme dans les deux sens, la haine, l’intolérance - et ceci ne peut que nuire et déstabiliser l’humanité, parce que la peur, la déformation, le manque de connaissance nous fait perdre tout notre bon sens, sans parler que dans tous ces problèmes, ces incompréhensions, nous oublions l’essentiel qui devrait être une loi universelle : l’amour.


Que nous faut-il pour comprendre ? Nous préférons suivre le chemin de ceux qui nous gouvernent et s’égarent dans les guerres, les génocides, en nous faisant nous entretuer, et qui sont sur le trône pour des intérêts d’argent ou de pouvoir. Et nous, le peuple, nous subissons les guerres ou nous les faisons.


Nous aurions pu prendre un autre chemin que celui de la guerre car nous avons eu le choix par le sacrifice de ces grands personnages humains qui ont offert le meilleur d’eux, le message de tolérance, la ténacité, la bonté, l’honnêteté, tout en étant humble, sans rien qui ressemble à l’argent, mais pour ce qu’il y a de plus beau au monde : améliorer la vie humaine. Gandhi, Martin Luther King, Mère Teresa, Malcom X, Balavoine, et tous les autres qui travaillent dans l’humanitaire.


Ce qui est important c’est de valoriser les gens du terrain car ils peuvent apporter beaucoup plus que celui qui, avec une théorie sans pratique dans un milieu aussi fragile, n’apporte rien, ou peut-être seulement plus d’assistanat. Ensuite les jeunes se sentent encore un peu plus trahis, cela augmente leur méfiance, ils se sentent de plus en plus isolés, ce qui constitue tout le malaise que la société connaît en ce moment - ce que j’appelle “la petite Amérique”.

Je n’exclus pas que certaines personnes extérieures puissent apporter quelque chose de positif, mais en s’associant à des personnes de terrain, et pas avec des C.E.S, mais avec des salaires corrects. Parce que pour s’occuper des autres, il faut déjà être soi-même dans une bonne situation.


Il y a une chose qui me semble très dangereuse, c’est de privilégier les “gros bras”, les meneurs, dans le travail, pour mieux casser les bandes qui sévissent. Non seulement ce n’est qu’illusion, mais cela crée de nouveaux meneurs qui voient que c’est la seule façon d’être entendu, et cela décourage les gens sensés puisque eux sont trop gentils pour être pris au sérieux. N’est-ce pas là un acte irresponsable et une façon de multiplier la délinquance de la part des responsables politiques ?

Nous donnons beaucoup d’importance au fait de changer les comportements de certaines personnes mais elles n’en ont rien à faire. On a trop insisté dans ce sens, et aujourd’hui ils croient que ce qu’on essaie d’apporter leur est dû et on tombe dans un assistanat qui les rend de plus en plus fainéants, les met en marge de la société, ce qui les rend agressifs, et s’ils n’obtiennent pas sans efforts ce qu’ils demandent, ils nuisent à la société.

Je pense qu’il faudrait travailler avec un public qui s’impliquerait plus et avec une réelle volonté de changer les choses. Le sport a été un bon outil, et le reste. Mais avec l’importance qu’a pris cette situation, on devrait travailler sur tous les plans possibles (lecture, soutien scolaire, théâtre, spectacles, musique) pour mieux diversifier le public, pour que cela devienne pour les jeunes autre chose que de tourner en rond.


Ahmed Benaïssa

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Le traceur de frontières.

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