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CHRONIQUE N°17 - LE TRACEUR DE FRONTIÈRES (par Michel Seonnet)
Dans les premiers mois où je venais ici, javais ébauché une sorte de conte. Cela commençait ainsi. Il y eut un jour où arriva un arpenteur. Mais on avait tellement vu circuler à travers la ville des géomètres en tous genres, des mesureurs don ne sait trop quoi, des mètreurs, des traceurs de plan, des annonceurs de quartiers à détruire, de routes à construire, des urbanistes présentant sur des maquettes comme faites avec des allumettes des solutions argumentées pour la plupart des problèmes rencontrés - que personne ne sémut vraiment des intentions du nouveau venu. Les uns dirent : - Cest sûrement pour la déviation. Dautres : - Cest pour la remise en valeur du centre-ville. Il sagissait en fait de toute autre chose. Cet arpenteur, en fait, ne mesurait rien. Il se contentait de tracer sur le sol de larges traits de peinture blanche. On le vit ainsi, à distance de la ville, marquer lendroit où autrefois France et Allemagne se séparaient. Il traça un trait à la limite de la Meuse et de la Haute-Marne. Un autre à la limite de lAube et de la Haute-Marne. Il continua son labeur à lintérieur de la ville. Il traça des lignes blanches à la limite de chaque quartier. Entre La Noue et le Centre. Entre le Centre et le Vert-Bois. Il traça des lignes à lintérieur même de chaque quartier. Entre des bâtiments - le 60 et la Résidence Ambroise Croizat. Entre des cafés - le Commerce et lIndus. Entre des églises - Sainte-Thérèse et Notre-Dame. Entre des mosquées - celle de la route de Nancy et celle des Libanais. Entre des associations - lU.J.B et la M.J.C. Il entra à lintérieur des bâtiments et traça des lignes frontières entre les étages. Il se fit ouvrir la porte des appartements et les maisons pour tracer des lignes entre les chambres des parents et celles des enfants. Ou même, dans certains lits, entre la place de lhomme et celle de la femme. Un jour on le vit en pleine rue, arrêter les gens et tracer autour deux un trait blanc de frontière. Alors tout le monde put le reconnaître. Cétait le Traceur-de-frontières. Le Diviseur-des-hommes. Celui que bien souvent on appelle le Satan. Mais il était trop tard. Partout où on lavait laissé tracer des lignes blanches, des murs sétaient levés... Le conte nallait pas plus loin. Mais un jour, sans le savoir, un élève du Collège de La Noue, en écrivit une sorte de prolongement. Il était question dimaginer un monument à lavenir. Le monument représente un mur qui a été cassé par plusieurs pays et maintenant ils sont libres, ils peuvent passer dun pays à un autre sans problèmes. Le mur est cassé par une personne choisie dans chaque pays. Chacune des personnes a un marteau et un burin. Ce mur représente un mur qui sépare les pays lun de lautre. Il y a une pancarte Interdit de passer. Maintenant ils pourront manger la nourriture de chacun des pays. Ils pourront partager leurs langues, leurs nationalités. On ne dira plus toi tu es blanc, toi tu es noir. Ils pourront mélanger les coutumes. Ils pourront sinviter pour fêter Noël, pour fêter les anniversaires, etc. Ils pourront se promener dans le même quartier. Ils pourra aussi y avoir un français avec un nom algérien, un Turc et un nom allemand, chacun un langage différent mais les mêmes nationalités. Ils pourront parler ensemble de leurs ancêtres, de leurs parents, de ce qui sest passé avant, de ce quils vont avoir, de ce quils ont eu, de ce quils feront plus tard. |
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