BÂTIMENT 60


Je suis arrivé au 60, dans la bande, au mois d’août. Le premier endroit qui m’a marqué c’est le 15ème, dernier étage. C’est un endroit où on est tranquille, personne nous parle, il y a pas le concierge pour nous dire de sortir du bâtiment. Sur les murs il y a plein de conneries écrites. C’est un mec, il les écrit, et il ne sait rien faire d’autres. On écrit aussi des paroles de rap. Moi et Farid. Une fois un soir on est parti, on a fumé quelque chose de pas très légal. Après on était pas très bien dans notre tête. Mais Farid dit qu’après on était bien dans notre tête, on évacue les soucis.

En fait le 15ème étage c’est un endroit spécial où on est entre nous. On raconte notre vie et tout ce qui nous passe par la tête. Des fois on dit que tellement on n’a rien à faire qu’on voudrait qu’un mec vienne avec un fusil et nous fusille tous pour mettre un terme à notre galère. Dès fois on parle de notre avenir et du jour où on aura des enfants.


Au début on restait dans le hall du bâtiment mais chaque fois que le concierge nous voyait il nous disait de sortir du bâtiment. Donc au bout d’un certain temps on en avait marre et on a décidé de faire un squat.

Dans un premier temps il fallait sélectionner une cave. Puis nous l’avons aménagée en balayant les murs et dégagé les gros cailloux.

Nous avons trouvé dans la cave du concierge des dalles en polystyrène pour tapisser les murs, puis nous avons trouvé une moquette dans une cave, nous l’avons prise et nous l’avons posée sur le sol. Nous avons aussi mis des matelas que nous avons pris dans ma cave. Quelque temps plus tard nous avons trouvé un jour une cafetière et Pascal nous a apporté de chez lui un canapé que ses parents voulaient mettre à la poubelle.

Puis nous nous sommes dit qu’il nous fallait une télé. Donc nous en avons parlé à notre ami Nanou qui nous a donné la sienne.

Depuis ce temps, chaque fois que l’on avait le temps, on descendait dans le squat et l’on ramenait la console de Farid pour jouer. Ou bien on faisait des pizzas, du café tout en parlant entre nous.


Je me souviens du moment où on s’est coupé les cheveux dans les caves. On avait fait un branchement pour pouvoir brancher la tondeuse. On avait fait un salon de coiffure. Le coiffeur c’était Medhi. Il a coupé les cheveux à Farid et au petit frère de Farid. Quant à Houcine on n’a pas pu finir de lui couper les cheveux car la tondeuse est tombée en panne.

Dans ce même endroit avec ce même branchement, on écoutait la musique quand on n’avait rien à faire. On descendait dans la cave, on installait tout le matériel, les bancs, une sorte de petite table où on pouvait jouer aux cartes. Pour écouter la musique on prenait un poste de voiture et des baffles et un transformateur car le poste marche en 12 volts.

Un jour on avait décidé de fabriquer un caisson de basse. On avait deux boomers et deux baffles. Je suis remonté chez moi pour prendre des planches. On est parti chez Farid pour le traçage des planches et on est descendu dans les caves. Pascal avait emprunté la scie sauteuse de son père. On a coupé toutes les planches. Pascal avait ramené avec lui des clous et un marteau et on a tout assemblé. On a mis les baffles et les boomers. On trouvait que ça faisait pas vraiment beau de voir que du bois, alors Farid est remonté chez lui et il a ramené un grand tissu gris. On a découpé le tissu et on a recouvert le caisson avec.

On avait mis le caisson dans une cave. On avait mis un gros cadenas. Quelque temps après on s’est fait voler les boomers et les baffles. La personne qui les a volés a enlevé les barreaux et il les a pris. On a fait notre enquête. On avait quelques soupçons mais pas de preuve. On n’a jamais retrouvé les voleurs et les boomers.


L’Amiante Stadium est un lieu où l’on se réunit. Il est situé dans l’un des halls du bâtiment. A chaque fin d’après-midi ou même l’après-midi on y squate pour passer les temps de galère. Là on joue aux cartes moi et tous les autres. On fait n’importe quoi tant qu’on passe le temps.

Le pire c’est qu’on aime ça car on discute de tout et de rien, de ce que l’on a fait dans la journée, hier, ou même il y a cinq ans, on rigole entre nous. C’est l’un des lieux que l’on considère à nous. En nous regardant dans le hall on a l’impression d’être chez nous. On est allongé sur le parterre, assis à se regarder comme si on était dans un appartement. Les gens entrent et sortent. Au début ils étaient surpris de nous voir. La plupart du temps ils avaient l’air dégoûtés mais d’autres s’en foutaient complètement. Puis au fur et à mesure ils nous ignoraient. Bref, nous on s’amusait. On délire à dire n’importe quoi. Dans le hall lorsqu’on s’installe on a à peu près chacun notre place. Farid, Farouk, Pascal, Mohamed sur un mur près de la porte d’entrée. Moi et Kamel sur un autre près de la porte du vide-ordures. Omar dans son coin.


C’était pendant la période du Baccalauréat et ce jour-là l’après-midi moi et Medhi on passait l’épreuve de math et c’était la galère car toute l’année nous n’avions rien suivi des cours et plus l’heure de l’épreuve approchait plus le stress et la peur envahissaient nos esprits. Et puis vers midi l’idée est venue pour se rassurer un peu et faire le minimum, d’aller à un endroit très spécial au 60, l’immeuble où l’on vit et où on passe beaucoup de temps. A l’intérieur du 60 se trouve un endroit très spécial pour nous et cela faisait peu de temps que l’on avait investi ce lieu. Ce lieu précisément se trouvait au 15ème étage dans les escaliers. C’était une sorte de local, un endroit où l’on pouvait se retrouver entre copains et copines pour passer le temps à l’abri du concierge et des gens qui nous réprimandaient à chaque fois que l’on restait en bas du bâtiment.

C’était en juin et il faisait chaud. Farouk proposa ses services pour nous aider à comprendre un peu les maths. On possédait la calculatrice de Farouk et l’“Anabac” de Medhi pour travailler, et des doners avec du jus de banane pour manger à midi. Il faut dire que ça avait du mal à passer à cause du stress. Puis nous avons révisé les bases pour s’en sortir.

Ce lieu c’était comme chez nous, on avait confiance en ce lieu, c’est pour cela que l’on se permettait certaines choses.


Farid, Farouk, Pascal, Mohamed, Kamel, Omar, Houcine











Nos enfants.Sur le toit de la MJC.






























































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