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Hommage à
l'Ouvrier
Figure symbolique déterminante, le monument
rappelle à la population le temps d'une guerre, la présence
lointaine d'un personnage célèbre, ou tout événement
historique. Sa fonction sociale est de représenter ce qui est
digne d'être transmis aux générations futures. La
tradition d'un certain réalisme impose le plus souvent une configuration
unique, comme celle du « poilu » qui se dresse vers le ciel
dans un élan figé d'espoir presque insensé. Le
monument « l'Ouvrier » symbolise une communauté qui,
sans nier les conflits de classe, continue d'être présente
dans les mentalités collectives comme l'écho d'un récit
mémorable. Son rôle n'est pas celui d'une commémoration
institutionnelle soutenue par des cérémonies officielles,
il est de rendre vivante et toujours actuelle la souveraineté
de cette communauté d'ouvriers. Sa composition représente
le paradoxe d'une harmonie inoubliable fondée sur le morcellement
de ce qui la constitue, comme si « les pièces détachées
» persévéraient à faire l'unité d'un
corps. Le cérémonial demeure alors inhérent à
la sculpture elle-même, il n'est plus le fruit d'un acte répété
et obligé, il fait partie intégrante des modalités
du regard dans la vie de chaque jour. Et l'étranger, celui qui
n'est pas supposé savoir l'importance d'une telle histoire de
la cité bragarde, peut lui aussi disposer de ce regard conduit
par l'étrange majesté de cette sculpture qui n'est pas
comparable au miroir d'une auto-consécration nostalgique. Henri-Pierre JEUDY
Lassociation lEntre-Tenir a proposé à lartiste canadien Martin Bruneau de réaliser une sculpture sinscrivant dans le travail mené par lassociation depuis le début de lannée 2002 autour d « Ouvrier ? ». En effet, en travaillant avec les Bragards depuis 1997, en les questionnant plus particulièrement cette année sur les ouvriers daujourdhui et dhier, la réalité ouvrière na cessé de surgir avec plus de profondeur et de complexité par delà les signes extérieurs soutenus par la ville elle-même. Cest précisément à cette intensité là - que chaque Bragard rencontré a eu la générosité de dévoiler - que lassociation propose de rendre hommage en la pérennisant, en la faisant glisser de lespace privé à lespace public. La meilleure manière de répondre à cette identité consiste à lui donner voix et forme, à la figurer. Lidée doffrir aux habitants de Saint-Dizier une sculpture monumentale sest donc imposée. Donner au statut ouvrier une statuaire ouvrière afin de graver dans la fonte la conscience dune ville.
Cette sculpture est un monument en hommage à
louvrier qui par sa présence et son travail a contribué
à façonner la ville de Saint-Dizier. Aujourdhui, pour la ville de Saint-Dizier, ériger « Le Monument à lOuvrier » cest affirmer sa volonté de valoriser le statut douvrier, marquant par là même limportance du rôle que continuent de jouer ces travailleurs dans le développement de la ville. Il sagit par là même dhonorer les personnes qui, par leur travail, ont contribué à créer la cité. Mais il ne faut pas voir cet acte commémoratif comme le chant du cygne des ouvriers. Le Monument à lOuvrier séloigne par sa forme et son contenu du mémorial consacrant un passé révolu. Tout dabord parce quil est réalisé avec la complicité des ouvriers daujourdhui et de demain. Les élèves des classes de fonderie du lycée professionnel Blaise Pascal participent depuis le début au projet. Cest à eux que revient la mission de transformer les parties du corps sculptées dans le bois en pièces de fonte, versions finales de la sculpture. Et plus encore, linstallation sur une place publique de ce monument sera aussi une marque tangible de la participation des jeunes - représentés par ces élèves - à la vie de Saint-Dizier, signe pour eux de limportance quils peuvent avoir au sein de la communauté. Le Monument à lOuvrier se veut définitivement ancrée dans le présent et lavenir. Dans cette perspective, la collaboration directe des industries locales, soit par le don dune pièce, soit par leur participation à la fonte de certains des éléments sculptés, rend visible linterdépendance des différents acteurs de Saint-Dizier ; il ne peut y avoir douvrier sans entreprise active et créatrice demplois, tout comme il ne peut y avoir de fonderie sans main-duvre qualifiée. De cette combinaison de savoir-faire, celui du sculpteur, des apprentis fondeurs, et des ouvriers confirmés, ne peut naître quune forme résolument innovante loin des mises en scène dramatisées propres au genre des monuments commémoratifs. Enfin, le monument est indissociable de la cérémonie qui le dévoile. Le Monument à lOuvrier ne rompra pas avec ce type rituel collectif, véritable reflet dune communauté soudée. Cette cérémonie sera une nouvelle occasion de créer ces moments privilégiés pendant lesquels les habitants de Saint-Dizier se rassemblent et ressentent les liens qui les unissent les uns aux autres.
Le Monument à lOuvrier se présente comme une série de pièces en fonte posées sur pieds. La volonté de présenter les parties du corps comme autant déléments disparates symbolise laspect indissociable de louvrier et de sa production. Louvrier fondeur produit des éléments qui, assemblés ailleurs, donneront un objet fini, combinaison de plusieurs pièces: moteur, machine ou autre produit. A défaut dêtre présent à la réalisation de cet objet lointain, le fondeur se tourne vers sa spécificité dartisan spécialiste. Louvrier se coule dans son usine et se retrouve dans ce quil produit. Ces pièces ont des origines différentes : certaines proviennent du travail des ouvriers des usines de Saint-Dizier tandis que les autres sont produites par celui du sculpteur. Ce monument à louvrier relève dun mélange déléments bruts de la production courante des usines locales et déléments sculptés représentant des parties du corps de lOuvrier. Bras, jambes, torse et tête sassocient à des vannes, valves, grilles ou à des hélices. Afin de souligner limportance de la coopération dans la réalisation de cette uvre, les noms de lensemble des partenaires du projet seront inscrits sur la sculpture. Ce monument pourra être installé, suivant la suggestion de larchitecte de la ville, Monsieur Deschamps, sur la promenade au pied des remparts.
Martin Bruneau a livré au lycée Blaise Pascal les deux bras, la tête, une jambe et le torse de lOuvrier. La seconde jambe sera livrée avant la fin de lannée. A chaque fois, ces éléments sont sculptés dans du bois. A ce jour, dans la fonderie du lycée Blaise Pascal, les élèves des classes du professeur Denis Véga ont coulé les deux bras, une jambe et la tête. Les bras et la jambe ont été coulés en janvier 2002. Ces trois éléments ont été présentés au public lors de lexposition « Lire ouvrier » organisée par lassociation LEntre-Tenir pour la manifestation « Lire en fête » le 18,19 et 20 octobre 2002. La sculpture en bois de la tête a elle aussi été exposée avant dêtre coulée une semaine après. La coulée du torse aura lieu au mois de
janvier 2003. Pour des raisons techniques, le moulage et la coulée
du torse se feront dans lusine Ferry-Capitain. Cette coulée
sera le moment fort des manifestations organisées durant la dernière
quinzaine de janvier 2003 par lassociation LEntre-Tenir.
Les Services Culturels de lAmbassade du Canada - représentés par son attachée aux Arts Plastiques Madame Catherine Bédard - ont offert de participer au financement de la communication de lévénement.
Après la dernière coulée des éléments du corps de lOuvrier, létape suivante concerne le travail dusinage et la réalisation des pieds porteurs des différents éléments de la sculpture. Une première pièce (la tête) pourra être installée au mois de juin 2003. Linstallation de cette première pièce sera loccasion dune célébration. Tout au long de lannée 2003, les autres pièces seront installées progressivement, révélant lentement aux habitants le monument. |