Exposition "l'Ouvrier", à Saint-Dizier au moment de "Lire en fête", octobre 2002.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Hommage à l'Ouvrier

Figure symbolique déterminante, le monument rappelle à la population le temps d'une guerre, la présence lointaine d'un personnage célèbre, ou tout événement historique. Sa fonction sociale est de représenter ce qui est digne d'être transmis aux générations futures. La tradition d'un certain réalisme impose le plus souvent une configuration unique, comme celle du « poilu » qui se dresse vers le ciel dans un élan figé d'espoir presque insensé. Le monument « l'Ouvrier » symbolise une communauté qui, sans nier les conflits de classe, continue d'être présente dans les mentalités collectives comme l'écho d'un récit mémorable. Son rôle n'est pas celui d'une commémoration institutionnelle soutenue par des cérémonies officielles, il est de rendre vivante et toujours actuelle la souveraineté de cette communauté d'ouvriers. Sa composition représente le paradoxe d'une harmonie inoubliable fondée sur le morcellement de ce qui la constitue, comme si « les pièces détachées » persévéraient à faire l'unité d'un corps. Le cérémonial demeure alors inhérent à la sculpture elle-même, il n'est plus le fruit d'un acte répété et obligé, il fait partie intégrante des modalités du regard dans la vie de chaque jour. Et l'étranger, celui qui n'est pas supposé savoir l'importance d'une telle histoire de la cité bragarde, peut lui aussi disposer de ce regard conduit par l'étrange majesté de cette sculpture qui n'est pas comparable au miroir d'une auto-consécration nostalgique.
Car il est bien difficile d'échapper à l'encadrement commémoratif, à la détermination d'un sens unique de l'histoire. Les mémoires d'une communauté sont plurielles, l'hypothèse de leur unité singulière tient d'abord à la convergence des regards rétrospectifs. Pour que cette unicité apparente ne devienne pas un artifice de l'esprit, il faut que persiste, comme l'effet d'une résonance sans fin, l'incertitude que représente le disparu, celui qui ne sera jamais identifiable. Au cœur même du symbole et de l'affirmation identitaire qu'il manifeste, sont appelées à demeurer, comme des signes irréductibles de la disparition, les voix sans nom d'une communauté retrouvée.

Henri-Pierre JEUDY
Un Monument à l’Ouvrier à Saint-Dizier


Une proposition de l’association L’Entre-Tenir

L’association l’Entre-Tenir a proposé à l’artiste canadien Martin Bruneau de réaliser une sculpture s’inscrivant dans le travail mené par l’association depuis le début de l’année 2002 autour d’ « Ouvrier ? ». En effet, en travaillant avec les Bragards depuis 1997, en les questionnant plus particulièrement cette année sur les ouvriers d’aujourd’hui et d’hier, la réalité ouvrière n’a cessé de surgir avec plus de profondeur et de complexité par delà les signes extérieurs soutenus par la ville elle-même. C’est précisément à cette intensité là - que chaque Bragard rencontré a eu la générosité de dévoiler - que l’association propose de rendre hommage en la pérennisant, en la faisant glisser de l’espace privé à l’espace public. La meilleure manière de répondre à cette identité consiste à lui donner voix et forme, à la figurer. L’idée d’offrir aux habitants de Saint-Dizier une sculpture monumentale s’est donc imposée. Donner au statut ouvrier une statuaire ouvrière afin de graver dans la fonte la conscience d’une ville.


Un monument Ouvrier pour la ville de Saint-Dizier

Cette sculpture est un monument en hommage à l’ouvrier qui par sa présence et son travail a contribué à façonner la ville de Saint-Dizier.
Elle renoue avec le monument commémoratif tel qu’il apparaissait au XIXème siècle à travers lequel il s’agissait de rendre hommage à une personne ou à un groupe de personnes. Par ce geste, la société cherchait à affirmer sa reconnaissance envers la ou les personnes représentées. Le Monument à l’Ouvrier rejoint, dans cette optique, la forme de héros archétype que nous trouvons dans nos monuments mnémoniques et historiques.

Aujourd’hui, pour la ville de Saint-Dizier, ériger « Le Monument à l’Ouvrier » c’est affirmer sa volonté de valoriser le statut d’ouvrier, marquant par là même l’importance du rôle que continuent de jouer ces travailleurs dans le développement de la ville. Il s’agit par là même d’honorer les personnes qui, par leur travail, ont contribué à créer la cité.

Mais il ne faut pas voir cet acte commémoratif comme le chant du cygne des ouvriers. Le Monument à l’Ouvrier s’éloigne par sa forme et son contenu du mémorial consacrant un passé révolu. Tout d’abord parce qu’il est réalisé avec la complicité des ouvriers d’aujourd’hui et de demain. Les élèves des classes de fonderie du lycée professionnel Blaise Pascal participent depuis le début au projet. C’est à eux que revient la mission de transformer les parties du corps sculptées dans le bois en pièces de fonte, versions finales de la sculpture. Et plus encore, l’installation sur une place publique de ce monument sera aussi une marque tangible de la participation des jeunes - représentés par ces élèves - à la vie de Saint-Dizier, signe pour eux de l’importance qu’ils peuvent avoir au sein de la communauté.

Le Monument à l’Ouvrier se veut définitivement ancrée dans le présent et l’avenir. Dans cette perspective, la collaboration directe des industries locales, soit par le don d’une pièce, soit par leur participation à la fonte de certains des éléments sculptés, rend visible l’interdépendance des différents acteurs de Saint-Dizier ; il ne peut y avoir d’ouvrier sans entreprise active et créatrice d’emplois, tout comme il ne peut y avoir de fonderie sans main-d’œuvre qualifiée.

De cette combinaison de savoir-faire, celui du sculpteur, des apprentis fondeurs, et des ouvriers confirmés, ne peut naître qu’une forme résolument innovante loin des mises en scène dramatisées propres au genre des monuments commémoratifs.

Enfin, le monument est indissociable de la cérémonie qui le dévoile. Le Monument à l’Ouvrier ne rompra pas avec ce type rituel collectif, véritable reflet d’une communauté soudée. Cette cérémonie sera une nouvelle occasion de créer ces moments privilégiés pendant lesquels les habitants de Saint-Dizier se rassemblent et ressentent les liens qui les unissent les uns aux autres.

Descriptif

Le Monument à l’Ouvrier se présente comme une série de pièces en fonte posées sur pieds. La volonté de présenter les parties du corps comme autant d’éléments disparates symbolise l’aspect indissociable de l’ouvrier et de sa production. L’ouvrier fondeur produit des éléments qui, assemblés ailleurs, donneront un objet fini, combinaison de plusieurs pièces: moteur, machine ou autre produit. A défaut d’être présent à la réalisation de cet objet lointain, le fondeur se tourne vers sa spécificité d’artisan spécialiste. L’ouvrier se coule dans son usine et se retrouve dans ce qu’il produit.

Ces pièces ont des origines différentes : certaines proviennent du travail des ouvriers des usines de Saint-Dizier tandis que les autres sont produites par celui du sculpteur. Ce monument à l’ouvrier relève d’un mélange d’éléments bruts de la production courante des usines locales et d’éléments sculptés représentant des parties du corps de l’Ouvrier. Bras, jambes, torse et tête s’associent à des vannes, valves, grilles ou à des hélices. Afin de souligner l’importance de la coopération dans la réalisation de cette œuvre, les noms de l’ensemble des partenaires du projet seront inscrits sur la sculpture.

Ce monument pourra être installé, suivant la suggestion de l’architecte de la ville, Monsieur Deschamps, sur la promenade au pied des remparts.

L’avancement du projet

Martin Bruneau a livré au lycée Blaise Pascal les deux bras, la tête, une jambe et le torse de l’Ouvrier. La seconde jambe sera livrée avant la fin de l’année. A chaque fois, ces éléments sont sculptés dans du bois.

A ce jour, dans la fonderie du lycée Blaise Pascal, les élèves des classes du professeur Denis Véga ont coulé les deux bras, une jambe et la tête. Les bras et la jambe ont été coulés en janvier 2002. Ces trois éléments ont été présentés au public lors de l’exposition « Lire ouvrier » organisée par l’association L’Entre-Tenir pour la manifestation « Lire en fête » le 18,19 et 20 octobre 2002. La sculpture en bois de la tête a elle aussi été exposée avant d’être coulée une semaine après.

La coulée du torse aura lieu au mois de janvier 2003. Pour des raisons techniques, le moulage et la coulée du torse se feront dans l’usine Ferry-Capitain. Cette coulée sera le moment fort des manifestations organisées durant la dernière quinzaine de janvier 2003 par l’association L’Entre-Tenir.
Plusieurs usines de la région souhaitent participer à ce projet en offrant des pièces de leur production. GHM, Les Fonderies de Saint-Dizier, Hachette et Driout, Bayard ont donné leur accord de principe.

Les Services Culturels de l’Ambassade du Canada - représentés par son attachée aux Arts Plastiques Madame Catherine Bédard - ont offert de participer au financement de la communication de l’événement.

Les étapes à venir

Après la dernière coulée des éléments du corps de l’Ouvrier, l’étape suivante concerne le travail d’usinage et la réalisation des pieds porteurs des différents éléments de la sculpture.

Une première pièce (la tête) pourra être installée au mois de juin 2003. L’installation de cette première pièce sera l’occasion d’une célébration. Tout au long de l’année 2003, les autres pièces seront installées progressivement, révélant lentement aux habitants le monument.

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